Le Café en revue Starship Troopers, les sentiers de la poisse
Critique

Starship Troopers, les sentiers de la poisse

par Hervé Aubron

Starship Troopers (Paul Verhoeven, 1997).

Cet article fait partie d’un cycle

Après la présentation d’Elle, de Showgirls et de Basic Instinct, le Café poursuit son cycle consacré à Paul Verhoeven avec la projection, ce 1er juin à 19h30, de Starship Troopers. Le critique de cinéma Hervé Aubron, qui animera la discussion, propose d’ores et déjà quelques pistes de réflexion à propos de ce film aussi scandaleux que clairvoyant.


Lors de sa venue jeudi dernier au Café des images, Paul Verhoeven disait craindre l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Il y avait là de la gravité, mais aussi, sans doute, confusément, la satisfaction du travail accompli : Starship Troopers, qui pouvait apparaître il y a vingt ans comme un simple cauchemar potache, fut sans doute l’un des films les plus clairvoyants et conséquents quant à ce qui nous attendait. Trump ferait un parfait général pour l’armée des starship troopers – ces Big Jim et Barbie enragés, ces soudards sortis d’un institut de beauté. Des mannequins, au sens des effigies pour vitrines plutôt que des top modèles.

Starship Troopers fut sans doute l’un des films les plus clairvoyants et conséquents quant à ce qui nous attendait.

Trump troopers. Même alliance entre le solarium et le cloaque, le postiche et la tripe, l’hygiénisme et le porno, la fadeur hédoniste et la merde sans nom. Plus c’est fabriqué, plus c’est sauvage ; plus c’est peroxydé et maquillé, plus c’est nu. Cette misère du surfait, c’est la grande affaire des films américains de Verhoeven, qui invente là un nihilisme amical ou compassionnel. Une dérision qui ne jette pas par-dessus bord toute communauté, qui ne se construit pas exclusivement sur un entre-soi ricanant, mais au contraire sur la confraternité d’une aberration partagée. C’est glaçant et accueillant.

Join up now, répètent en boucle les spots vidéo qui vérolent d’emblée Starship Troopers. Rejoignez quoi ? Le camp de la parodie, qui n’est plus un à-côté ou une dérivation, mais qui devient notre seule patrie. Aucune autre alternative, selon les messages de propagande, dès lors qu’il s’agit d’affronter l’empire de la merde. Car les Arachnides combattus, bien sûr, suintent d’une organicité absolument expurgée sur la Terre, devenue la planète Rexona ou Ultra Brite. Les météores qui servent de cocon aux envahisseurs s’apparentent à des crottes interstellaires. Leurs batteries anti-aériennes consistent en des hannetons pétomanes. Leurs pinces éventreuses transforment d’un coup les Big Jim en charpie visqueuse et si on parvient tout de même à en avoir raison, les Arachnides explosent en diarrhées fluorescentes. Leur « cerveau » lui-même tient à la fois de la glande et de l’étron. Mais au moins en ont-ils encore un.

L’aseptisé et l’immondice se confrontent sans moyen terme. Il y a là une proposition sur le devenir de l’humanité – pourquoi pas une définition du post-humain. D’un côté, des parodies d’hommes dont les pensées et les sentiments ne semblent que des prothèses superficielles, qu’ils peuvent laisser tomber aussi aisément qu’une arme déchargée. De l’autre, de l’ordure qui refoule et un réseau à sang froid qui ponctionne notre matière grise. Sont-ce vraiment des pôles antithétiques ? Plutôt les deux faces d’une même médaille ou d’un même gâchis.