Le Café en revue Le roman de Richard Linklater - Première partie
Entretien

Le roman de Richard Linklater – Première partie

par Emmanuel Burdeau

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Cet article fait partie d’un cycle

En 2013, le Festival International du Film de la Roche-sur-Yon, alors dirigé par Yannick Reix et Emmanuel Burdeau, souhaitait avoir pour invité d’honneur Richard Linklater. C’est dans la perspective de convaincre le cinéaste américain d’accepter cette invitation qu’à la fin du mois de mai, Emmanuel Burdeau s’est rendu à Athènes, où Linklater venait présenter son nouveau film, situé en Grèce : Before Midnight. Un long entretien eut lieu dans le bar de l’hôtel, couvrant tout le parcours d’une œuvre encore mal connue. La suite appartient en quelque sorte à l’Histoire : Linklater ne put venir à la Roche en automne, il était retenu par les finitions de Boyhood, garant d’une gloire internationale qui n’avait que trop tardé. Nous publions aujourd’hui la première partie de cette conversation. La seconde partie sera accompagnée d’une série de textes consacrés au travail de Linklater.


UNIVERSITÉ / BASEBALL

Emmanuel Burdeau : Vous êtes né à Austin ?

Richard Linklater : Non, je m’y suis installé il y a trente ans. Personne ne naît à Austin ! Je viens d’Huntsville, une petite ville de l’est du Texas avec sa prison d’État où on exécute des prisonniers – un peu comme Carthage, la ville où se déroule mon film Bernie [comédie policière sortie en 2001 s’inspirant de l’histoire vraie de Bernhardt Tiede, dit « Bernie », qui assassina en 1966 sa compagne millionnaire de quarante-trois ans son aînée. Malgré ses confessions, l’homme était tellement apprécié par la communauté de Carthage que le procès dut être organisé dans une autre ville pour éviter toute partialité du jury, NDLR].

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Jack Black dans Bernie, 2011.

Personne ne naît à Austin !

Vous avez vraiment connu quelqu’un comme Bernie ?

R. L. : Oui. Ma mère enseignait à l’université. L’ambiance était amicale, mais c’était une petite ville très conservatrice, avec un fond obscur – un mélange de bigoterie et de racisme. Le genre d’endroit où tout se passe bien tant que vous n’êtes pas gay ou noir.

Vous avez étudié à l’université ?

R. L. : Oui, j’étais boursier en sport-études. Je voulais devenir joueur de baseball professionnel et romancier, mais j’ai dû arrêter le sport au début de ma deuxième saison à cause de problèmes cardiaques. Je ne pouvais plus courir. En parallèle, j’étudiais le théâtre ; j’écrivais des pièces. Vivant dans une petite ville, je croyais qu’écrire était le seul moyen de m’exprimer. Je ne pensais pas en termes de films. J’ai découvert le cinéma plus tard, il y a une trentaine d’années. Je me suis alors rendu compte que c’était la forme qui me correspondait.

Vous n’avez donc jamais vraiment étudié le cinéma ?

R. L. : Pas dans une école, non. J’ai suivi des cours d’histoire du cinéma et de critique au Community College d’Austin, mais ma matière principale était l’anglais. Comme je voulais devenir écrivain, j’ai étudié la langue et le théâtre. J’ai dévoré Philip Roth à cette époque-là. D’ailleurs j’y suis revenu récemment – les livres qu’il a écrits ces dix dernières années sont excellents. J’aime aussi beaucoup les classiques russes et français.

Les auteurs américains sont nombreux à écrire sur le sport. C’est une tradition que nous n’avons pas en France.

R. L.Oui, Don de Lillo par exemple. Le sport fait partie de notre culture ; à nos yeux, ce n’est pas un sujet indigne. Même Jack Kerouac a inventé un jeu de baseball avec des cartes. Il aimait beaucoup ce sport.

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Bad News Bears, 2004.

Aviez-vous en tête un modèle de romancier qui soit joueur de baseball en même temps ?

R. L.Non, aucun – j’aurais été le premier ! Je ne crois pas que j’aurais été capable d’intégrer la Major League. Certains de mes amis y sont parvenus, mais ils étaient meilleurs que moi. On pensait tous pouvoir y arriver, mais comme dans tous les sports, c’est très difficile. C’est une expérience intéressante. Le niveau est très élevé, presque professionnel. J’aimerais beaucoup faire un film sur ce milieu, notamment sur la camaraderie entre joueurs.

Quels étaient vos points forts ?

R. L.Je jouais en défense – j’étais voltigeur [outfielder NDLR]. Je réussissais à voler des bases car j’étais très rapide, mais mes problèmes cardiaques me causaient des maux de têtes quand je courais. Je peux de nouveau courir depuis une dizaine d’années, mais mon activité sportive est devenue purement récréative. De toute façon, même à l’époque, je pensais surtout au théâtre et à l’écriture. Je n’avais pas la mentalité d’un athlète. Je réfléchis trop. Les grands athlètes ne réfléchissent pas autant. Ce qui est drôle, c’est que les joueurs sont traités comme des rock stars aux États-Unis. Les équipes universitaires jouent un rôle important car elles prennent le relais dans les États qui n’ont pas d’équipes professionnelles. Elles font vraiment partie de notre culture. Il y a un vrai championnat retransmis à la télévision, particulièrement agréable à suivre car les joueurs sont plus jeunes.

Ils sont payés ?

R. L.Non, ils sont boursiers – ce sont des étudiants-athlètes. Leurs frais de scolarité sont pris en charge, comme leurs livres et leur hébergement, mais leur donner de l’argent est illégal. C’est considéré comme de la corruption. Selon moi, on devrait les payer. L’école gagne beaucoup d’argent grâce à eux, surtout en football et en basket. Et réussir ses examens est très difficile quand on s’entraîne à longueur de journées.

Connaissez-vous la série Eastbound and Down, qui met un scène un ancien joueur de baseball ? 

R. L.Oui, j’ai vu quelques épisodes – c’est très drôle. Ils ont réussi à cerner un certain type de personne de manière très juste. Il y a beaucoup de Kenny Powers aux États-Unis – des anciens athlètes qui essaient de rebondir comme s’ils n’avaient rien d’autre que le sport dans la vie.

Après avoir arrêté le baseball, vous avez travaillé au théâtre ?

R. L.J’ai écrit des pièces à l’université, mais jamais en tant que professionnel. J’ai créé le cinéclub d’Austin en 1985 vers l’âge de 20 ans, et j’en suis toujours le directeur artistique. C’est une structure qui permet de projeter des films, de distribuer des subventions, d’organiser des ateliers. Pour moi, c’est aussi important que la famille.

AUSTIN / CINÉ-CLUB

Il n’existait aucun ciné-club là-bas lorsque vous vous êtes installés ? 

R. L.L’école de cinéma de la ville projetait cinq films par jour sur le campus – c’était formidable. Mais l’arrivée des magnétoscopes a fragilisé les cinémathèques de tout le pays. Quand on a ouvert notre ciné-club, [la Austin Film Society] tous les autres étaient sur le déclin ; ils ne savaient pas comment s’y prendre. Les habitants d’Austin aiment beaucoup le cinéma. Pour les faire venir, il suffisait d’une bonne publicité, d’une programmation intéressante et de rétrospectives. À nos débuts, on était les seuls à montrer des courts-métrages d’avant-garde et des films expérimentaux des années 1960. On a toujours eu du succès : chaque projection accueillait une centaine de personnes. White Dog

Austin semble être une ville différente du reste du Texas.

R. L.Oui, je ne sais pas pourquoi. Le Texas a changé, mais pas Austin. Jusqu’à la fin des années 1970, c’était un État démocrate. Depuis, il est devenu très républicain, sauf à Dawson, Houston et Dallas, où les gens ont voté pour Obama. Le Texas compte au moins quatre des quinze plus grandes villes des États-Unis : les trois que je viens de citer et San Antonio. Il y a plusieurs noyaux démocrates, notamment parmi les populations immigrées, comme les Latinos, qui sont de plus en plus nombreux. À mon avis, Austin redeviendra démocrate en 2020. Je me demande ce qui se passera alors pour ces bouseux de conservateurs. On a le même gouverneur corrompu depuis toujours, mais la plupart de nos hommes politiques sont progressistes.

Avec quel argent avez-vous créé le ciné-club ? 

R. L.Avec ma carte de crédit ! C’était comme faire un film à petit budget. Au début, on organisait une séance par mois dans des salles de la ville. Je montrais des films du répertoire, comme ceux de Jean Eustache – le ciné-club m’a permis d’en découvrir certains qui sont particulièrement difficiles à trouver. Ensuite, grâce à une collecte de fonds, on a construit notre propre salle à l’endroit d’un ancien café. On l’a rénovée récemment ; elle peut accueillir 293 personnes et possède une cabine de projection en 16mm. On a commencé par programmer cinq séances par week-end, mais les gens n’en demandaient pas tant. On propose désormais quatre séances par semaine, en soirée, et les films ne sont projetés qu’une seule fois. On organise des rétrospectives par pays ou par réalisateurs – Hou Hsiao-Hsien récemment. Tout le monde peut venir : c’est comme être dans son salon et regarder des films. On s’amuse beaucoup, mais j’avoue que je ne m’occupe plus vraiment de la sélection.

Vous travaillez en collaboration avec le festival South by Southwest ?

R. L.On a simplement des relations amicales. On se réunit parfois, mais pas de façon officielle.

J’étais présent lorsque vous avez présenté Bernie l’année dernière. Vous êtes considéré comme l’enfant prodige d’Austin.

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Bernie.

R. L.Oui, je dis souvent que je suis le maire d’une ville folle. Quand vous restez longtemps dans un endroit, vous finissez par vous y établir. Je n’aime pas Los Angeles. J’y vais de temps en temps car ma sœur y vit, mais le côté « industrie du cinéma » me déplaît. L’atmosphère est différente à Austin. C’est une ville importante pour le cinéma, avec beaucoup de festivals, et de plus en plus de spectateurs et de fonds dédiés à la culture. Plusieurs réalisateurs y vivent : Terrence Malick, Robert Rodriguez, Mike Judge, Jeff Nichols, David Gordon Green, Andrew Bujalsky, ainsi que toute une génération de trentenaires dont certains sont assez peu connus mais réalisent notamment de très bons documentaires. On travaille parfois avec eux ; le cinéclub subventionne certains de leurs films. Il faut aider les autres comme on peut.

Terrence Malick existe donc vraiment ?!

R. L.Oui, on a d’ailleurs dîné ensemble il y a un mois. Je crois qu’il a vécu en France – À la merveille (2012) fait référence à cette période de son existence, à travers le personnage de la femme française. Cela dit, ce n’est pas le film de lui que je préfère. Malick appartient à cette génération un peu en retrait. Il ne fait aucune promo, mais il n’est pas totalement asocial. Il vient voir les films qu’on projette au cinéclub. Une fois, il est venu prendre la parole, mais il n’a pas été facile à convaincre. C’était pour notre collecte de fonds annuelle, The Texas Film Hall of Fame, qui a lieu juste avant South by Southwest. C’est un événement qui rassemble environ 800 personnes et permet de récolter beaucoup d’argent. L’année où nous lui avons rendu hommage, je lui ai demandé de passer. Il m’a dit : « Je te vois venir, mais je ne monterai pas sur scène ». Sa femme avait dû lui parler entre temps, car il a finalement pris la parole. Il était très nerveux. Je ne lui jette pas la pierre : je n’aime pas ça non plus, mais il faut le faire.

Quentin Tarantino a une belle collection, mais on n’a pas les mêmes goûts.

Vous organisez des présentations, des rencontres ?

R. L.Oui, souvent. On invite des gens pour présenter les films. Et quand je suis disponible, je me prête aussi à l’exercice. Après la séance, les spectateurs peuvent aller discuter dans le bar qui se trouve dans le hall. Dans les grandes salles, on vous met dehors dès la fin du film ; il faut aller dans la rue pour discuter. En plus de quoi les billets sont de plus en plus chers. En 1986, on a organisé un colloque avec des universitaires russes dans le cadre d’une rétrospective Tarkovski, qui venait de mourir. Je préfère les discussions informelles aux conférences académiques, mais c’était très réussi. À une autre occasion, on a reçu Quentin Tarantino. Il a montré une trentaine de films en une semaine. C’est un film freak – on a passé une nuit entière à regarder des films d’horreur. Et lors d’une précédente programmation pour le ciné-club, il y a une dizaine d’années, il n’avait sélectionné que des films de vengeance ! Il préparait sa décennie sur ce thème. Aujourd’hui, il ne fait plus de présentations, car les gens le filment avec leurs smartphones. Il a une belle collection, mais on n’a pas les mêmes goûts. J’aime bien les films de genre, mais j’ai l’impression d’avoir 13 ans quand j’en vois un. Je préfère montrer des films considérés comme plus intellectuels, organiser des rétrospectives Bresson, Pasolini ou Fassbinder. D’ailleurs, je crois que notre première rétrospective était consacrée à Fassbinder.

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Slacker

Slacker, 1991.

Vous avez réalisé Slacker, votre premier film, quelques années après le lancement du cinéclub. 

R. L.En fait, mon tout premier film s’appelle It’s Impossible to Learn to Plow by Reading Books [C’est pas en lisant des livres qu’on apprend à labourer la terre, NDLR]. On peut le voir sur les bonus de l’édition Criterion de Slacker. Le titre est un proverbe russe que j’avais vu sur un t-shirt. Je l’ai tourné seul, sans en parler à personne, en Super 8, avec 3 000 dollars. Beaucoup de gens prétendent vouloir faire du cinéma : je voulais me démarquer en terminant un film. Je m’occupais du cinéclub, je programmais des films, je tournais un film – j’étais un film guy. It’s Impossible est très différent de Slacker. C’est une expérience visuelle, sans dialogues. Il a ses fans, mais sur le moment je n’ai même pas essayé de trouver un distributeur.

En 1990, quand l’envie m’a pris de tourner un film plus important, j’avais l’avantage d’avoir déjà fait le premier. J’ai réuni un budget de 23 000 dollars, une somme colossale pour moi à l’époque. Avec l’équipe du ciné-club, on a pris des vacances durant l’été pour le tourner. Mon colocataire de l’époque, qui était assistant-caméraman professionnel, nous a rejoints. J’ai été très surpris de trouver des distributeurs. Slacker a changé ma vie, ainsi que celle d’Austin. C’est le premier film tourné au Texas à avoir été considéré comme une œuvre sérieuse, indépendante. Ce n’était pas un énième film du Sud, avec des cowboys etc.

Comment a t-il été remarqué ? 

R. L.C’est le producteur John Pierson qui a envoyé une vidéo à Michael Barker chez Orion Classics. Non, je vous dis des bêtises. En fait, il a été remarqué pour la première fois au Seattle Film Festival de juin 1990, en pleine période grunge. Les programmateurs en parlaient comme du meilleur film de la sélection et du meilleur film indé de l’année, celui qu’il ne fallait pas manquer. Je l’avais déjà montré à Dallas, où les réactions avaient été plutôt bonnes, mais les critiques ne s’y étaient pas intéressés. Selon eux, j’aurais dû me contenter d’en faire un court métrage : « Ça vient du Texas, c’est forcément mauvais ». À Seattle, les gens qui faisaient la queue pour le voir ressemblaient aux personnages. En voyant ces jeunes en révolte, je me suis dit que mon film avait trouvé son public. Il est sorti au même moment que Generation X de Dave Coupland [roman paru en 1991 relatant les aventures de trois jeunes de 20 ans désenchantés face à la dureté du monde du travail NDLR] et ‘Nevermind‘ de Nirvana – c’était dans l’air.

À Seattle, les gens qui faisaient la queue pour voir Slacker ressemblaient aux personnages.

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Before Sunrise, 1995.

Vous en étiez conscient, à l’époque ?

R. L.C’était plutôt évident. En revanche, je savais que mes autres films n’auraient rien à voir avec celui-là. Bien que Dazed and Confused (1993), le suivant, reste très lié à cette génération. Mais avec Before Sunrise, deux ans plus tard, les gens ont compris que j’étais ailleurs – je quittais progressivement mon rôle de porte-parole. Comme le disait mon mentor Lindsay Anderson, les films et la culture ou les films et la politique, c’est comme des « bateaux qui passent dans la nuit [ships passing in the night] » : ils se croisent le temps d’un instant, puis s’éloignent. Certains entrent en résonnance avec leur époque, d’autres non. J’aime que mes films soient déconnectés, comme Me and Orson Welles (2008). C’est quand j’ai réalisé The Newton Boys en 1998 qu’on m’a vraiment viré du club. Le film s’inspire d’une histoire vraie qui s’est déroulée entre 1918 et 1922. Il jette un pont entre le western et les films de gangsters : ça commence avec un casse à cheval pour se terminer à Chicago.

« Viré du club » ?

R. L.C’est une métaphore. Disons qu’ils ont su qu’ils ne pouvaient plus me faire confiance. Quoi qu’il en soit, ce n’était pas bien difficile de m’écarter d’Hollywood, car j’y étais en touriste. On ne vous dit jamais directement qu’on ne veut plus de vous. Mais vous finissez par le comprendre quand on ne vous donne jamais l’argent que vous demandez.

Où avez-vous tourné The Newton Boys ? À Los Angeles ?

R. L.Non, au Texas. C’est un film de là-bas. J’ai tourné deux films de studio pour la Paramount, The School of Rock [en français : Rock Academy] en 2003 et Bad News Bears en 2005. Le tournage du second a eu lieu à Los Angeles pour des raisons climatiques : c’était l’hiver et les scènes se passaient en été. Il se trouve aussi que Billy Bob Thornton, l’acteur principal, habitait là-bas et ne pouvait pas s’éloigner. Je n’étais pas content d’être à Hollywood, mais l’expérience valait la peine. En fait, c’était facile. Sherry Lansing, qui dirigeait la Paramount, chantait dans le studio. Comme elle m’aimait beaucoup et qu’elle croyait en moi, elle me laissait faire ce que je voulais. On associe certaines idées au mot « studio » mais dans mon cas, c’était comme de tourner un film indépendant. Quant au tournage de The School of Rock, il a eu lieu à New York, bien que l’histoire ne se déroule pas à Manhattan. C’était une bonne expérience également. On va certainement organiser des retrouvailles en septembre pour les dix ans, avec tous ces gamins qui ont grandi et sont aujourd’hui à l’université.

En général, vous produisez vos propres films.

R. L.Oui, mais il peut nous arriver de travailler avec d’autres producteurs. De toute façon, je ne sais même pas ce que « produire » veut dire. Il faut trouver de l’argent quelque part – c’est tout. Et c’est toujours difficile.

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The Newton Boys, 1998.


Retrouvez la seconde partie de cet entretien dès le mercredi 2 septembre.