Agnès Salson : « La salle de cinéma de demain n’est pas celle qui fera le plus d’entrées. »
– par Yannick Reix et Emmanuel BurdeauVoir les 4 photos
Alors étudiante à la Fémis dans la filière distribution / exploitation, Agnès Salson avait entrepris l’été dernier, avec le jeune cinéaste Mikael Arnal, un tour de France des cinémas. Le projet en était de recueillir les idées innovantes qui germaient ici et là, telles des fleurs sauvages, afin de les partager avec l’ensemble des exploitants. Cela avait abouti à un site Internet, et à un livre, Rêver les cinémas, demain. Cet effort de mise en commun prend aujourd’hui d’autres proportions : le duo s’est depuis peu lancé sur les routes d’Europe, de l’Angleterre jusqu’à la Scandinavie en passant par les Balkans. Avant de suivre le feuilleton de leurs rencontres, il était nécessaire de faire un point. Le programme en effet est chargé, et les urgences nombreuses. Dans cette conversation à bâtons rompus, il sera ainsi à la fois question de la situation de l’exploitation française, des liens de la critique et de la salle, et de ce que pourraient être les lieux de demain. Avec une idée, commune à tous les interlocuteurs : la salle de cinéma est à réinventer.
Emmanuel Burdeau : A l’origine, si j’ose dire, pourquoi est-ce vers le cursus exploitation de la Fémis que vous avez choisi de vous tourner ?
Agnès Salson : Je venais de finir deux stages. L’un chez Les Piquantes, une agence d’attachés de presse, où l’on m’a parlé pour la première fois de la Fémis. L’autre dans la salle de cinéma Utopia, à Bordeaux. J’ai eu à ce moment-là un coup de cœur pour l’exploitation.
E.B. : Quelles études suiviez-vous alors ?
A.S. : Un DUT info-communication à Bordeaux. L’école était présentée comme un véritable tremplin pour devenir distributeur ou exploitant. À l’époque, néanmoins, j’avais encore le projet de travailler dans les relations presse. J’ai également suivi un cursus en journalisme, à Paris, durant un an, tout en faisant un stage à la Septième Salle. Je continuais de penser à la Fémis, cela me donnait un objectif concret. J’ai fini par tenter le concours, il y a trois ans. J’ai alors eu l’occasion de faire pas mal d’entretiens, qui tous m’ont confortée dans l’idée d’être exploitante.
E.B. : Pourquoi deviez-vous faire ces entretiens ?
A.S. : Pour le dossier d’enquête. C’est une des épreuves du concours. Ces rencontres permettent d’affiner un projet de fond.
E.B. : Comment avez-vous vécu la formation à la Fémis ?
A.S. : L’école nous donne tout ce dont nous pouvons rêver. Nous sommes en relation avec les professionnels de chaque institution, aussi bien dans le domaine de l’exploitation que de la distribution. Et puis nous avons aussi l’occasion de voyager. Le nombre d’étudiants étant très réduit – cinq en exploitation, trois en distribution –, le côté « tremplin » est accentué. Les cours sont des études de cas très concrètes : comment postuler dans le cadre d’une DSP [Délégation de Service Public, NDLR], par exemple. C’est un moyen d’accéder à la gestion d’un lieu. Travailler en tant que programmateur ou au sein d’une DSP peut être un objectif réaliste pour un étudiant à la sortie de l’école. Il y a évidemment des problèmes, comme dans toutes les écoles. Il ne nous est montré qu’une approche de l’exploitation. Une école accompagne l’étudiant dans son apprentissage, mais c’est la manière de mettre celui-ci en pratique qui compte.
E.B. : Êtes-vous toujours en formation ?
A.S. : Non, je viens de finir.
E.B. : Vos quatre camarades, que font-ils de leur côté, désormais ?
A.S. : Trois ont trouvé un emploi. L’une travaille pour le festival de l’Institut Lumière, une autre s’occupe de la programmation d’une major de distribution américaine, et le dernier assiste François Aimé pour le festival du Film d’Histoire de Pessac.
E.B. : De quel type de contrat s’agit-il ?
Cette année, nous avions tous ce grand rêve : créer notre lieu.
A.S. : Ce sont des CDD. Il est de plus en plus difficile, je crois, de trouver des postes de programmation, du moins au début. La filière de la Fémis a été créée il y a dix ans par des exploitants afin de pallier le manque de professionnels formés. Ils avaient besoin d’une relève. Aujourd’hui, la filière est saturée. Cette année, nous avions tous ce grand rêve : créer notre lieu. La Fémis nous vend ce possible. Peut-être est-ce sa limite, même si ce n’est pas tant la faute de l’école que la nôtre. Nous y entrons avec l’impression d’être déjà arrivé au bout, rien qu’en ayant passé le concours.
Yannick Reix : Aviez-vous depuis longtemps ce désir d’ouvrir un lieu ?
A.S. : C’est un projet que nous avons en commun, avec Mikael [Arnal]. Il veut réaliser des films et moi avoir un lieu. Pour nous, il s’agit de relier ces deux aspects, la création et la diffusion. C’est la base du projet.
E.B. : D’où l’envie de faire ce tour de France des salles de cinéma vous est-elle venue ?
A.S. : La Fémis nous donne l’opportunité de visiter quelques lieux et de rencontrer des professionnels, mais on ne peut vraiment découvrir l’exploitation qu’en étant sur le terrain. Je m’en suis rendu compte très vite. Quand on arrive dans un lieu, on sent ce qui se passe au-delà des discours, on voit comment le programme se construit, quels types de spectateurs fréquentent la salle. Au début, nous nous contentions de visiter des salles en notant les idées qui nous paraissaient intéressantes. Et puis le projet a fini par prendre des proportions énormes.
E.B. : Quelles idées, par exemple ?
A.S. : À Bayonne, l’Atalante propose aux spectateurs de noter le film à la fin des séances. Une petite fiche est à leur disposition à côté de la caisse. Ils ont également une niche d’échange pour déposer des livres et en emprunter gratuitement.
E.B. : S’agit-il d’idées recueillies par vous avant que le tour ne prenne une forme systématique ?
A.S. : Oui. En visitant pour le plaisir des salles de cinéma, nous tombions souvent sur ce genre d’initiatives. Il me restait alors une année d’étude, et Mikael faisait son court-métrage. Si le but premier était de collecter ces idées pour notre propre lieu, nous avons bientôt pensé que cela pourrait aussi être intéressant pour les exploitants en place. Ils ont en effet peu de temps pour visiter d’autres salles. Internet s’est alors imposé comme un moyen formidable pour partager ces diverses expériences.
E.B. : Cette curiosité pour les lieux est-elle partagée ? N’a-t-elle pas quelque chose de paradoxal, au moment où la salle de cinéma est considérée comme mise en danger par Internet ?
A.S. : Il existe énormément de plateformes sur Internet où des gens vont voir ce qui se fait à l’autre bout du monde, et ce aussi bien dans le domaine de la pêche, de la cuisine, que du cinéma. Il y a un esprit de partage très développé. Notre projet a d’ailleurs véritablement émergé à partir du moment où il s’est étendu dans la sphère publique. Nous voulions créer un cercle vertueux : nous partageons des idées, les gens les mettent éventuellement en place, nous voyons les effets, et pouvons dès lors soit faire de même, soit modifier l’idée.
E.B. : Néanmoins, nous avons tous, et de plus en plus, tendance à regarder des films chez nous.
A.S. : Les interrogations sur la pertinence culturelle de la salle de cinéma sont en effet très fréquentes. Beaucoup d’exploitants – principalement dans les salles recherche et art et essai – nous ont dit avoir moins de spectateurs. Et ceux-ci sont vieillissants. Mais à quoi peuvent bien servir les salles si ce n’est à faire découvrir des films tout en essayant de renouveler le public ? Pourquoi aller dans une salle de cinéma, à notre époque ? Ces réflexions ont évidemment perduré durant notre tour, même si nous n’avions au départ d’autre prétention que de faire un « herbier des cinémas ».
Y.R. : L’identité d’un lieu ne peut plus reposer uniquement sur la programmation, les films circulent, sont visibles partout. Le dernier film d’Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse, ne serait par exemple passé qu’au cinéma Lux [la deuxième salle d’art et essai de Caen, NDLR] ou au Café des images. Mais le numérique a changé la donne. À Caen, il est sorti aussi bien au Pathé qu’au Café. Il en va de même pour la trilogie des Mille et une nuits de Miguel Gomes. Pour trouver un film qui ne sortira qu’au Café, il faut aller chercher Wang Bing, par exemple. Penser l’identité, la singularité d’une salle repose obligatoirement sur une réflexion poussée concernant tout ce qui est périphérique à la projection.
E.B. : Un lieu, aujourd’hui, doit pouvoir se distinguer.
A.S. : Je suis d’accord. Aujourd’hui, il ne suffit plus de mettre l’affiche d’un film pour faire de la promotion. Il faut promouvoir son lieu en tant que tel. Celui-ci doit proposer, potentiellement, autre chose que du cinéma. Nous vivons dans un monde d’images animées qui dépasse largement la salle. Pourquoi le cinéma continuerait-il à être l’art supérieur, le seul montré sur grand écran ? Pourquoi le jeu vidéo, le clip ou autres n’auraient-ils pas également des endroits ?
E.B. : Avez-vous partagé ces réflexions avec les exploitants rencontrés lors de votre tour ?
A.S. : Non. Nous avons bien sûr une idée de ce que serait la salle de nos rêves. Mais nous nous sommes défendus d’en parler dans le livre. Celui-ci recense nos observations. Nous avons par exemple constaté qu’aucun projet de rénovation ne se fait sans qu’un bar, un café ou un espace de convivialité ne soit envisagé. Par ailleurs, il y a une prise en compte assez forte des nouvelles formes d’images. Les salles ont compris qu’elles ne pouvaient plus se contenter de diffuser des films du mercredi au mardi comme avant.
E.B. : Avez-vous travaillé sur l’histoire de la salle de cinéma ? Avez-vous repéré des césures dans cette histoire, des moments importants de mutation ?
A.S. : La salle de cinéma est née au croisement de plusieurs disciplines, avec des séries en avant-programme, des gens qui parlent, des chansons, des spectacles, des tours de magie… Ensuite, il y a eu la naissance de la cinéphilie. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression qu’elle est arrivée avec l’émergence des salles art et essai, dans les années 1960.
E.B. : Ces lieux n’ont plus montré que des films.
A.S. : Oui. Aujourd’hui, les salles ont compris qu’elles devaient être avant tout des lieux de vie. Le tour de France nous a permis de voir que beaucoup essayent d’être plus conviviales. C’est une première étape importante, que tout le monde d’ailleurs n’a pas encore franchi. Mais très peu travaillent avec Internet. Netflix est perçu comme un problème considérable, par exemple. Je crois que nous n’en sommes qu’au début d’une conception globale de la salle qui parviendrait à être en symbiose avec un écosystème numérique.
Nous ne sommes qu’au début d’une conception globale de la salle qui parviendrait à être en symbiose avec un écosystème numérique.
Y.R. : Vous allez bientôt entamer un tour d’Europe. Mon sentiment est que la France a le réseau de salles le plus dense au monde, le meilleur réseau c’est incontestable, mais que les interrogations concernant cet écosystème numérique se sont davantage développées ailleurs.
A.S. : En effet, les salles à l’étranger ont su se réinventer plus rapidement. De fait, elles n’avaient pas le choix. Elles font partie d’un modèle économique différent, qui les place constamment en situation de danger. Elles ne peuvent compter que sur leurs publics pour vivre. Il était donc nécessaire pour elles de trouver des moyens de continuer à les faire venir. Les salles françaises mettent plus de temps à évoluer car elles sont dans une sorte de cocon. Il n’y a là rien de péjoratif : elles n’ont simplement pas cette nécessité dans l’immédiat. Après tout, les entrées globales en France n’ont jamais été aussi importantes que l’an dernier. Mais, même s’il n’y a pas encore en France un mouvement de réinvention générale, il existe une multitude d’initiatives concrètes très intéressantes, comme les tickets de cinéma en attente pour aider des gens qui n’ont pas les moyens. Ce principe est né dans les cafés de Naples pendant la crise économique. On paye son café, et on en prépaye un autre pour quelqu’un sans argent. Une salle du Pays Basque a adopté ce système.
Y.R. : Nous allons également le mettre en place très bientôt.
A.S. : Autre exemple, une salle de Saint-Etienne a mis en place il y a quelques années des « séances Skype ». Les équipes de film ne s’arrêtent généralement que dans quelques grandes villes-clés, comme Lyon, Strasbourg, etc. Le Méliès a initié ces séances pour palier à ce problème. Ils ont ainsi reçu sur leur écran des personnalités comme Jeff Nichols ou William Friedkin.
Y.R. : Les salles en France bénéficient également d’un dispositif global articulé entre le réseau des salles art et essai, les dispositifs d’éducation à l’image…une politique globale qui a contribué à construire un public cinéphile.
A.S. : En effet. Dans certains pays, Mommy ou Bande de filles doivent être accompagnés. Ici, il nous paraît évident qu’ils cartonneront seuls. Pour cette raison, il est compliqué de hiérarchiser les salles. Les salles européennes nous intéressent parce qu’elles se réinventent plus fréquemment. En utilisant leur lieu, elles trouvent des solutions économiques pour pallier leurs problèmes. Pour l’instant, nous ignorons encore le modèle économique que nous choisirons pour notre salle. Une chose est sûre : nous n’avons pas d’argent. Il va donc falloir être très inventif pour rendre ce projet viable. Ce que nous avons vu à l’étranger nous semble pertinent : utiliser sa salle comme boîte de nuit pour éviter qu’elle ne dorme, ou encore développer une activité forte de restauration-bar, comme au Watershed à Bristol. Mais il y a aussi ces lieux montés par les habitants mêmes des villes, dans des pays en crise qui ne pourraient pas se permettre de payer un programmateur. C’est ce genre de lieux que nous avons principalement envie de découvrir, pour comprendre ce qu’il se passe quand une salle de cinéma continue d’exister sous des formes très inventives alors qu’elle aurait pu disparaître.
E.B. : Le tour européen n’a pas encore commencé, vous avez seulement fait un voyage de repérage. Pourtant, vous avez déjà une vision claire des étapes et des salles que vous souhaitez visiter. Comment le choix s’est-il établi ?
A.S. : De plusieurs manières. Les plateformes web nous ont permis de chercher toutes les salles de chaque pays. Des exploitants français nous ont aussi conseillé. Et puis nous avons rencontré la CICAE [Confédération Internationale des Cinémas d’Art et Essai, NDLR] et le réseau Europa Cinemas, qui nous ont indiqué leurs lieux. Toutefois, nous voulions aussi, comme pour notre tour de France, sortir des salles-clés, des lieux symboliques. Nous avons donc contacté le réseau alternatif, dont le siège est à Bruxelles. Nous avons ainsi visité des salles alternatives comme The Cube, à Bristol, et découvert des lieux fonctionnant sur des principes nouveaux, à la frontière des salles commerciales. Ce travail de repérage nous a pris entre six et huit mois. Des appels sur Twitter et Facebook nous ont permis de compléter notre liste. Un projectionniste de Sarajevo nous a par exemple dit qu’il ne fallait absolument pas manquer cette partie de l’Europe. Nous ne devions pas passer par les Balkans, mais nous avons ajouté la Bosnie et la Serbie à notre itinéraire.
E.B. : Prenez-vous toujours rendez-vous avant d’arriver dans un lieu ? Quels types de réaction vos demandes suscitent-elles ?
A.S. : Un mail suffit pour expliquer notre projet. Les gens sont souvent disponibles. Prendre contact était plus compliqué lors du premier tour, car notre projet était encore assez flou et nous n’avions aucune trace, seulement une plateforme qui venait d’être créée. Ce tour est différent. Nous arrivons avec un livre, une plateforme, et un projet qui a déjà été fait en France. C’est plus simple à expliquer. Les salles françaises moins « visibles » ont souvent été les plus enthousiastes à l’idée de nous accueillir. Elles pouvaient enfin partager ce qu’elles faisaient.
E.B. : Des projets très prometteurs se développent en France, certaines salles restent ou deviennent extrêmement actives. Je ne crois pas qu’on mesure à quel point il importe, pour un critique, d’avoir la chance de pouvoir présenter, accompagner des films, en discuter avec le public, et permettre ainsi à sa réflexion de se former, d’évoluer, de trouver ces points de contact et de relance dont elle manque cruellement par ailleurs, les articles restant en général — et c’est justice, en quelque sorte — sans retour. C’est un aspect de notre travail dont on ne parle pas assez. (Aparté : de toute façon, on ne parle pas du travail (de) critique : il y a un silence effarant, et dont les effets sont très négatifs, un silence ou une gêne qu’il faudrait étudier…). Sans que cela n’enlève rien à cette chance — et à ce bonheur, osons le mot —, il me semble qu’on peut dire sans exagération qu’une certaine génération d’exploitants, marqués par les années 1960 et 1970, éprouve à l’heure actuelle une certaine difficulté à passer la main. Ou bien est-ce une erreur de perception ?
A.S. : Il y a quand même un renouvellement, d’après ce que nous avons pu constater au dernier Conseil d’Administration de l’AFCAE [Association française des cinémas d’art et d’essai, NDLR], à Cannes. Cela ne m’inquiète pas trop. Néanmoins, il est vrai qu’il y a pour le moment un lien entre le vieillissement des publics et celui des exploitants.
Y.R. : Le succès d’une salle à reposé pendant longtemps sur la personnalité et les choix d’un programmateur, reconnu par le milieu professionnel, clairement identifié par les spectateurs. Vous qui travaillez beaucoup sur le numérique, qui repose sur une dimension de partage et d’interactivité, que pensez-vous de cette conception qui voudrait que tout soit porté par une seule et même personne ?
A.S. : Je ne sais pas trop par quel biais aborder cette question, car j’ai envie de répondre en évoquant notre propre vision de l’exploitation. De fait, il n’est plus possible de programmer de cette manière aujourd’hui, à court terme.
E.B. : Pourquoi ?
A.S. : Cette question en englobe beaucoup d’autres. Pendant longtemps, les salles art et essai notamment ont promu des œuvres de culture dite haute, légitime. Or, aujourd’hui, tout le monde peut avoir une vision de ce qu’est une œuvre d’art. Le problème du programmateur unique est qu’il choisira les films uniquement selon son point de vue. Or, cela n’est plus possible. Premièrement, car trop de films sortent chaque semaine. Deuxièmement, car les systèmes d’organisation ont changé avec le numérique. Les hiérarchies se trouvent court-circuitées. Une vision à long terme, plus cohérente sur différents médias, ne peut être le fruit que d’un travail d’équipe. Pour prendre l’exemple du Watershed, un programmateur y voit les films à la semaine et un curateur y programme à la saison. Être à deux leur permet d’avoir un lien plus fort sur la définition même de la programmation. Je ne dis pas qu’il ne faut plus éditorialiser, mais qu’il faudrait penser en fonction plus qu’en hiérarchie. Tout le monde a quelque chose à dire sur les films.
E.B. : La personnalisation d’un certain nombre de salles en France a aussi permis de faire exister les lieux de manière incarnée, vivante. N’est-ce pas ?
A.S. : Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’une personne que ce n’est plus vrai, mais pourquoi suivre quelqu’un qui nous dit quoi voir quand les films sont partout ? Il n’empêche qu’il faut tout de même trouver une façon d’éditorialiser et être prescripteur.
Y.R. : Sur l’aspect de la programmation précisément, la situation économique des salles de cinéma, subventionnées nous pousse, de toute façon, à remettre en question le modèle existant puisque nos subventions baissent. C’est-à-dire que nous devons de plus en plus ouvrir notre programmation aux films porteurs qui permettent de trouver une économie. Ce travail, obtenir ces films, est chronophage. Toute la problématique de l’accès aux films, avoir les bon films, dans des conditions raisonnables, c’est à dire avec un nombre de copie sur le territoire qui permet de réaliser vraiment des entrées, repose peu sur des questions de choix, de programmation. Le temps passé à trouver cette économie, de l’avis de tous les responsables de salles avec lesquels j’ai parlé de cela ne permet pas de trouver du temps pour penser à inventer de nouvelles façons de travailler les films qui ont plus de difficulté à trouver un public.
Il faut choisir, il me semble, trouver des solutions pour passer moins de temps sur ce qui ne relève pas tant que cela d’un choix de programmation, car la question économique est prépondérante, et trouver du temps pour ce qui me semble essentiel, éditorialiser un projet global de salle et travailler pour les films moins bien dotés économiquement, plus exigeants.
A.S. : Je suis complètement d’accord. A partir du moment où un film est sélectionné à Cannes, les exploitants vont le vouloir, car ils en ont besoin. Certains ont évidemment des coups de cœur qu’ils essayent de placer dans leurs quelques créneaux restants, mais c’est devenu un vrai problème.
A mon avis, il faudrait aussi être capable de penser la salle comme un lieu de création et de production. Sans cela, nous resterons en effet coincés dans l’étau des sorties hebdomadaires. Avec Mikael, nous avons l’idée d’une salle qui soit un pôle d’attraction large, où des cinéastes locaux pourraient produire, par exemple.
Pour moi, la salle de cinéma de demain n’est pas celle qui fera le plus d’entrées globalement. Ce qui est important, c’est de faire des entrées sur les films et les contenus auxquels on croit. C’est une question qu’on me posait : « Ce modèle ne fera pas plus d’entrées. » Je répondais : « Non et ce n’est pas grave ! » Mon espoir est en fait qu’il y ait plus de salles. Car cela, j’y crois. Il est tellement simple d’avoir une salle de cinéma aujourd’hui.
Y.R. : Le modèle économique ne passerait alors plus forcément par les films, par le cinéma ?
A.S. : Pour moi, en effet, ça ne passera pas par les films. La vraie question est peut-être : Quelle sera la cinéphilie de demain, que seront les films ? C’est pour cela qu’il est compliqué de répondre à la question du lieu. Il faut en effet aussi repenser les contenus. Tout est imbriqué.
E.B. : J’ai souvent été frappé — je parle, bien sûr, du seul point de vue pouvant être le mien : celui d’un critique —, de voir combien certains exploitants choisissent les films qu’ils programment non seulement comme s’ils étaient des spectateurs parmi d’autres, mais en revendiquant une telle position. C’est-à-dire en faisant sciemment abstraction de considérations d’un ordre autre que subjectif, mais en faisant reposer leur choix sur rien d’autre que « j’aime ce film » ou « je n’aime pas ce film ». Or il est évident que d’autres critères — ce n’est pas vraiment le mot — entrent en ligne de compte : le distributeur, le réalisateur, la difficulté ou l’absence de difficulté que ce film rencontre pour avoir accès aux salles, la fidélité dans le travail avec untel ou untel. Mais non, j’ai vu souvent des exploitants ne pas faire état de ces raisons, ou passer en effet outre, carrément. Comme si tout ce qui ne relevait pas de la subjectivité pure devait être, en tout cas dans le domaine du cinéma, forcément suspect ! Je suis tout prêt d’y voir un certain effet d’un rapport qui s’est noué, avec les années, entre les critiques et les salles, les premiers s’invitant pour ainsi dire au sein des secondes pour venir y défendre un certain cinéma, pour porter une sorte de bonne parole cinématographiquement correcte. Mais sans jamais que cela ne prenne un caractère systématique, ni dans le passage de véritables partenariats, ni dans la construction de véritables programmations dépassant le coup par coup. Du coup — c’est le cas de le dire —, chacun a mis en avant sa subjectivité (son goût), au point de presque venir à en oublier de travailler… Or une revue, un critique vont-ils cesser de défendre Wang Bing, Pedro Costa, Hong Sang-soo, au motif que leur dernier film leur paraît moins réussi ? Ne sommes-nous pas capables à la fois de marquer un bémol — si nécessaire —, tout en marquant la nécessité de rester fidèles, parce qu’il se construit là une œuvre et que cette œuvre importe ? Un exploitant ne pourrait-il pas faire de même ? Dans le cinéma, on a l’impression que tout ce qui vient tempérer l’amour est maudit. Que quiconque n’est pas entier est voué à être tiède. Il y a pourtant des stratégies, des visions à long terme, qui définissent au fond le vrai amour, et non je ne sais quel calcul froid. Aller dans une salle ne doit pas consister à porter une bonne parole générale — du type : j’aime le (bon) cinéma — mais à articuler une parole précise, mesurée, nuancée : c’est tout l’intérêt de l’échange avec le public, à mille lieux de l’évangélisation qu’on voit trop souvent. Et c’est, je suppose, tout l’intérêt aussi de programmer une salle.
A.S. : Cela rejoint la problématique de tout à l’heure : Une personne peut-elle incarner seule une salle aujourd’hui ? Et concernant la question de l’éducation à l’image. À quoi va-t-on éduquer le public ? Ne faudrait-il pas repenser le mode d’éducation actuel, qui est complètement vertical ? Je pense que oui. Il faut penser en termes d’actions concrètes.
Y.R. : Pourriez-vous donner un exemple ?
A.S. : Des ateliers de création, ou des ateliers de jardinage après un film autour de l’écologie, par exemple, je trouve cela bien plus important qu’un débat ou une discussion. Un moment informel où il est possible de discuter de cinéma avec des enfants, c’est vraiment une action très simple. Apprendre le montage en le faisant, ça a beaucoup plus de sens qu’un cours théorique. Plus d’impact, en tout cas.
Y.R. : La question du collectif est très épineuse aujourd’hui encore chez les exploitants. Regardons par exemple le travail de labellisation fait par le GNCR, qui s’occupe des films de « recherche » [Groupement national des cinémas de recherche, NDLR]. Nous piochons dans leur catalogue pour avoir ce label, mais il semble impossible que les exploitants se mettent d’accord pour dire : « Ce film est labellisé par le GNCR, nous sommes membres du GNCR, nous allons donc le défendre ensemble. » Ce n’est d’ailleurs pas une problématique à proprement parler liée au GNCR, mais à la façon dont nous, exploitants, considérons l’acte de programmer un film.
E.B. : Le film peut être labellisé et ne passer dans aucune salle du GNCR. Alors qu’il devrait être possible qu’un collectif, un groupe de salles, s’engage à passer les films de certains cinéastes qu’il souhaite suivre, accompagner… Là encore, terrible surenchère sur le « goût », le « regard » ou la « vision » de chacun.
A.S. : On peut imaginer que ces associations ne sont pas assez fortes. Peut-être faudrait-il que moins de salles y adhérent, mais qu’elles proposent une vision plus cohérente. Quand j’imagine une salle, j’imagine un réseau, quelque chose de fort. Un travail en mutualisation, tout du moins. J’imagine aussi des salles ancrées dans leur territoire, qui auraient des spécificités locales et pourraient accepter ou refuser des films en fonction de cette situation. Mais la dimension territoriale a-t-elle encore du sens, aujourd’hui ? À l’heure d’Internet, est-ce que ça n’aurait pas encore plus de sens d’être mutualisé avec des salles, pourquoi pas européennes ou mondiales, qui ont les mêmes goûts, les mêmes attentes en termes de lieu et de cinéma ? Non pas pour négocier l’accès aux films, mais pour avoir un poids sur une vision de la salle.
Lors de notre tour de France, nous avons découvert qu’il existait beaucoup de connexions entre des lieux qui pourtant ne communiquent pas. Les gens pourraient travailler davantage ensemble, car en réalité ils se posent les mêmes questions. Beaucoup avaient l’impression d’être les seuls à avoir impulsé telle ou telle chose. En fait, ils étaient très nombreux à l’avoir déclinée de manière très intéressante, mais différente. Dans les très grandes villes, il y a de nombreux blocages. Mais dans les milieux ruraux, il y a une vraie vivacité. A Urrugne, par exemple, une salle tenue par une association chrétienne a failli fermer lors du passage au numérique. Or, elle a été reprise par une femme, seule, qui s’occupe de la caisse, de la projection, du programme et du site web. Elle a fait revivre un cinéma qui aurait pu mourir. Avec une programmation très radicale, des animations.
E.B. : Depuis votre tour, ces salles se sont-elles mises en rapport ?
A.S. : Certaines, oui. Cela dit, je pense qu’elles se seraient rencontrées de toute façon, car elles avaient vraiment vocation à travailler ensemble. En tout cas, il me semble important d’utiliser les outils numériques pour mutualiser nos expériences et inventer de nouvelles pratiques.
E.B. : Avez-vous senti une division géographique, une différence de culture entre le nord et le sud, l’est et l’ouest ?
A.S. : Il y a des territoires très cinéphiles et associatifs, comme la Bretagne. À Redon, le Ciné Manivel est géré par une centaine de bénévoles. Le sud-ouest est également un territoire très cinéphile. Le réseau Ciné 32, dans le Gers, a créé quelque chose de très cohérent. Nous ne sommes pas aventurés dans l’est, moins doté en salles de cinéma. Nous avons donc une vision moins nette.
Y.R. : Est-ce lié à la culture historiquement très catholique, puis associative de la Bretagne, ou à des politiques publiques ?
A.S. : C’est la continuité d’une culture qui existe depuis très longtemps. Peu importe la politique des villes.
E.B. : Et en Europe, avez-vous déjà une idée ? Là aussi, il doit y avoir des différences marquées.
A.S. : Comme nous prévoyons de réaliser une web-série pour ce tour, nous avons réfléchi à des découpages. Nous avons rangé les pays en grands ensembles. Nous nous interrogerons sur la salle dans des pays en crise qui ont eu une forte culture cinématographique, comme l’Espagne et l’Italie. Les pays de l’Est sont répartis en deux groupes : ceux qui sont vraiment en crise et ceux qui sont comme un eldorado. La Roumanie, notamment, est passée de 450 mono-écrans à 10 salles en quelques années. D’autres pays sont en plein renouveau, comme la Hongrie, où les salles sont très florissantes. Par ailleurs, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche sont riches en solutions alternatives. Nous essaierons de lister et de comprendre celles-ci.
E.B. : Avez-vous essayé de trouver des salles qui représentent quelque chose à l’échelle nationale ?
A.S. : Nous n’avons choisi que des lieux qui se réinventent, qui proposent une manière de retrouver et d’impliquer les spectateurs, procèdent à une éditorialisation, ou essaient d’avoir un espace accueillant. Ils diront donc forcément quelque chose de l’identité de leur territoire. Certains aussi se posent la question du numérique.
E.B. : Est-ce que cela passe forcément par un site très développé ?
A.S. : Non. Une Italienne nous a par exemple envoyé un mail pour nous conseiller de passer dans une salle de Milan. Honnêtement, leur site m’aurait découragée. Or, ce qui se passe dans cette salle est passionnant. Si nous nous étions fiés uniquement aux réseaux sociaux, nous serions passés à côté de beaucoup de choses. Pour finir la carte, il faut ajouter que le Royaume-Uni se porte très bien en termes de cinéphilie, et que beaucoup de de salles y naissent. Nous avons ajouté à notre itinéraire plein de lieux qui ont ouverts il y a peu.
E.B. : Pourtant, ce n’est pas la production du Royaume-Uni qui fait la vitalité des salles. Comment expliquer qu’il y ait là-bas tellement de lieux forts ?
A.S. : Il y a beaucoup de multiplexes, mais aussi beaucoup de salles qu’on peut qualifier d’alternatives, comme ce lieu formidable à Kendal, la Warehouse Films, dans le Brewery Arts Center. Il est situé dans un parc naturel. Il s’agit non seulement d’une salle de cinéma, mais aussi d’un lieu d’art vivant avec en outre un espace pour les artisans qui organise parfois des portes ouvertes. Si on le conceptualisait, on ne pourrait imaginer un tel lieu que dans une grande ville. Pourtant, il cartonne à la campagne. Cela nous fait un peu rêver.
Y.R. : Je voudrais revenir sur les chiffres. Le nombre de salles, le nombre de pays, le nombre de kilomètres que vous allez parcourir et le temps que vous avez pour faire ça. Comment votre agenda va-t-il se constituer une fois sur place ?
A.S. : Nous verrons environ 120 lieux, en 120 jours, dans une vingtaine de pays. L’idéal serait de pouvoir visiter un lieu par jour, mais nous en verrons parfois deux, et aurons des journées entières de transport. L’idée est de passer la journée avec la personne ou le groupe de personnes en charge du lieu. Et aussi d’avoir un petit temps pour découvrir le cadre dans lequel est installée la salle. Nous avons essayé de trouver des correspondants, des gens locaux pour nous faire des visites guidées.
Y.R. : C’est un véritable marathon. Ne risquez-vous pas de passer à côté d’une vraie réflexion, d’une vraie observation ? Depuis tout à l’heure, nous parlons d’une chose qui me semble fondamentale quand on pense le lieu : l’écosystème.
A.S. : Ce sera compliqué, en effet, mais je crois qu’une journée est suffisante pour rencontrer une équipe, et voir leurs outils de travail. A Bristol, ils ont un Wikipedia privé où se trouve tout ce qu’il faut savoir lorsqu’on travaille dans ce lieu. C’est un outil génial. C’est ce genre de choses très concrètes qu’on a envie de récupérer. Evidemment, ça va toujours trop vite. Quand nous avons commencé le tour de France, nous pensions partir 20 jours. Finalement, nous y avons passé tout l’été. C’est cela qui est excitant : avoir un aperçu plus vaste. Nous pourrions décider de ne pas aller dans les Balkans, de ne pas monter jusqu’aux pays nordiques… Mais notre aperçu s’en trouverait diminué. L’idée est de collecter des informations, pas forcément d’avoir tout de suite une réflexion.
Y.R. : Vous avez financé votre voyage en partie grâce au crowdfunding. Dans quelles proportions ?
A.S. : Nous avons eu 7 000 euros grâce au crowdfunding, auxquels il faut retirer à peu près 1000 euros, pour les contreparties et la plateforme qui récupère 8%. Le 1er jour, ça a décollé, nous étions à 500 ou 700 euros. Nous avions envoyé une newsletter à tous nos contacts. Nous nous étions dit : « Si ça s’arrête là, c’est que ça n’intéresse personne, inutile de partir. » La question était : est-ce que les gens sont intéressés par les informations que nous mettons à leur disposition ? Sont-ils prêts à payer pour cela ? En fait, le crowdfunding a permis de créer une communauté autour du projet. C’était plus que de l’argent. Les gens validaient le projet. Nous aurions peut-être pu trouver des financements publics. Mais il était important que les gens – qui se sont avérés être aussi bien des distributeurs, des exploitants, des architectes de salles de cinéma, des gens des institutions, des cinéphiles, que des inconnus – financent, car sinon il n’y avait pas d’intérêt de faire le voyage. Nous aurions fait un petit tour, pour nous, sans partager les informations.
E.B. : Avez-vous des perspectives immédiates pour le retour ?
L’espace de la salle est-il en effet le plus pertinent pour montrer des films ? N’y a-t-il pas d’autres espaces à inventer, notamment pour de nouveaux contenus ?
A.S. : Nous nous laissons libres de créer le projet dont nous rêvons au moment de notre retour. Nous n’avons accepté aucun engagement, et avons libéré notre appartement. Nous pourrons donc nous installer où nous voulons pour mener notre projet. Partir en sachant déjà ce que nous souhaitons faire n’aurait pas de sens. En même temps, nous commençons à avoir une idée assez claire. Il s’agirait de s’installer dans le Sud-Ouest pour créer une salle qui relierait création et diffusion. Je viens de rédiger un mémoire sur l’idée de salle enrichie. L’idée est de faire une salle adaptable sur plein de points de vue, avec des espaces modulables. L’espace de la salle est-il en effet le plus pertinent pour montrer des films ? N’y a-t-il pas d’autres espaces à inventer, notamment pour de nouveaux contenus ? Je pense que si. Nous avons développé une idée de micro-architecture, à taille humaine. Avec l’idée d’une cabine photomaton adaptable pour impliquer les spectateurs, ou encore d’une cabane pour montrer du court-métrage. Ce genre d’architecture pourrait être financé par du crowdfunding, ou localement par les gens. Il faut réinventer l’aspect transactionnel, faire en sorte que la salle soit un lieu plus fluide. Non pas mettre des bornes, mais faciliter les choses : la réservation en ligne, la récupération des informations sur les spectateurs pour mieux les connaître et répondre à leurs attentes, la réinvention de l’avant-programme.
E.B. : L’avant-programme ?
A.S. : Tout ce qui est avant la séance. Et puis pourquoi ne pas vendre du merchandising à l’effigie de la salle ? Toutes ces questions appartiennent à l’ordre du transactionnel. Si l’on passe un cran au-dessus, il faut réinventer le rapport participatif du spectateur. Comment l’engager ? Comment l’engager dans la programmation ? Comment son avis peut-il avoir un impact sur le site de la salle, comment peut-il devenir aussi prescripteur ? Le dernier pan qui me semble passionnant aujourd’hui est celui de l’implication résidentielle des gens. Il faut développer des espaces de co-working, des espaces de résidence. Faire se rencontrer les créateurs et les publics. Il faut inventer un lieu modulable, dont la structure même peut se modifier dans le temps. C’est précisément ce qui a manqué. Toutes les structures qui s’effondrent aujourd’hui ne portaient pas en elles les germes d’une réinvention. Pour se réinventer, elles doivent tout repenser. Le caractère modulable se joue à plusieurs degrés : au niveau de la conception des espaces, voués à accueillir d’autres contenus que les films ; au niveau de l’activité économique, qui doit se diversifier. Si un des axes de l’activité est en crise, on peut se reposer sur d’autres. Cela permettra d’être plus à même d’anticiper les prochaines mutations. L’essentiel également est de se mettre en réseau. C’est pour cela que nous faisons ce tour d’Europe : pour trouver des lieux dont nous se sentons proches, afin de travailler avec eux à une échelle plus vaste. Et pourquoi pas partager, sur les plateformes des salles, ce que l’on peut inventer ici ou là. Il est en effet aujourd’hui crucial de trouver des connexions pour faciliter les échanges à une échelle plus vaste. C’est une question de survie.