Carnets

Cannes des Images (2)

par Maud Wyler

Leonardo da Vinci, dans sa fable du grain de mil disant à la fourmi : « Si tu me fais le grand plaisir de me laisser contenter mon envie de naître, je te rendrai cent moi-même. »

 

Jeudi 12 mai.

Bon bon bon.

Descente des marches.

Désauce. Aujourd’hui, tout à coup, on m’a dit : là tu es libre jusqu’à 20h. Qu’est-ce que je peux faire – je sais pas quoi faire. Je vais vous écrire. Je vais vous décrire hier.

Après les falbalas de préparation, après tapis rouge et talons aiguilles, après Pim Pam Poum (Sarandon Chastain Moore), et après la cérémonie, j’ai vu un film. Le Cafe Society de Woody Allen.

Cette société du café, c’est quand même du déca. Sympa, charmant, mais pas grave. Ça t’empêchera pas de dormir. Jesse Eisenberg est à mon sens un acteur génial. Une sorte de formule 1 du jeu. A toute allure, il prend tous les virages, en équilibre. Il arrive même à être vraiment touchant. Sa rencontre avec le personnage joué par Kristen Stewart est le moment de trouble qui manque par ailleurs au film. En 2 secondes il nous a embué le cœur. Ce que je trouve de plus difficile au cinéma, faire croire à l’amour, pire, au coup de foudre, il le réussit. Steve Carell fait aussi riper le film par instants, notamment quand il se met à répéter le nom de sa femme (trompée), de plus en plus fort. Et c’est assez bienvenu. Car ce dernier Woody Allen est le film d’un vieil homme qui connaît très bien son boulot, qui aime rendre les acteurs beaux, qui aime les jolis décors, très chiadés, qui abuse un tout petit peu des filtres par instant (le film jaune, raccord avec l’affiche du festival cette année). Et en fait c’est peut-être là où le film est le plus heureux, à Cannes, en cérémonie d’ouverture, car il agit comme un miroir tendu à ce parterre de beautés damnées. Oui il s’agit ici de vanité. Alors bon, s’il faut mourir, « aimons aimer. Soyons légers. » semble nous dire Woody, qui par ailleurs a filé pendant la projection, car il dit ce qu’il pense, fait ce qu’il dit, et ne voit ses films effectivement qu’une seule fois. A la fin de la projo, il revint. Nous reste alors ce tableau d’un petit bonhomme désolé et pas très heureux et d’une star timide désolée et pas très heureuse. Woody Allen et Kristen Stewart. Ils mourront un jour, ils en sont presque certains à cet instant T d’applaudissements discontinus, d’une salle pleine de rousses, brunes, blondes et autant de robes et de nœuds pap.

Moi je vais dormir. Pour le moment j’en suis là. Je suis un peu triste. Pas si désagréable.