Carnets

Cannes des Images (5)

par Maud Wyler

Le Soldat Vierge (Erwan Le Duc, 2016).

« Ne croyez à rien qui vous inquiète » Jöe Bousquet.

 

Un jour à la Semaine de la Critique…

Bonjour,

Je suis à l’aéroport de Nice. Mes clics et mes claques, je rentre. Hier était le jour de projection du moyen-métrage d’Erwan Le Duc, Le Soldat Vierge. Il était présenté avec 4 autres courts-métrages, dans l’ordre d’apparition de drapeaux : Indonésie, Portugal, Canada et Brésil. Les propositions étaient plutôt ambitieuses, elles semblaient explorer aussi du côté formel. Le cinéma a besoin de cinéma. Ces jeunes réalisateurs là ont eu des envies de voyage, de couleurs. Le film brésilien, O Delirio é a redençao dos aflitos, de Fellipe Fernandes, développait une fin entêtante, où il s’agit de résistance, d’une mère et de sa fille qui s’endorment l’une contre l’autre. Le sommeil comme paix. Paix politique. Paix affective. Sommeil du juste. Et puis Le Soldat Vierge. En somme, l’amour, la vie et la mort. Comment le temps coule entre les êtres. Comment les hommes doutent, doutent d’être. Ce film donne à voir littéralement le visage d’un homme en proie à la vie. Vivre, comme n’étant pas seulement le contraire de mourir, mais une foultitude de micro, macro, ou bien immenses voyages, d’échanges, d’émotions, de sons, de pluie, de jours, de lumière, de changement de lumière, d’errance, de légèreté même. Le film de Erwan Le Duc contient l’audace formelle et fondamentale qui fait du cinéma un moment de face-à-face, du spectateur avec soi, avec les autres. Avec oui, « l’élégance insoumise » d’un poème de René Char.

(Sans transition, pour voir, et j’en finirai avec l’image pour un moment) est-ce qu’une actrice, quelqu’un dont le métier est d’interpréter un texte au cinéma ou au théâtre, doit monter les marches d’un tapis rouge, nue? J’ai eu un mal de chien, subissant un peu de sabotage de la part d’un arriviste assistant styliste (oups pas de gaine pour Maud, oups problème de vapeur pour steamer la robe de Maud, oups je n’ai pas le temps pour Maud je m’occupe des vraies, celles qui pèsent, qui portent Chopard et Gucci, oups ohlala je viens de foutre un bordel de beau diable dans ton sac, oups-mega-oups-vite-tout-ce-qui-brille), un mal de chien donc pour trouver du tissu pour cet abstrait passage entre des centaines de photographes, précédant une banale séance de cinoche. Mes collègues Dessange, peut-être moins de films mais plus d’apparitions dans les magazines (à coup de front row de défilés, de soirées, de pubs, tout ça orchestré par une agent image), mes jeunes collègues ont eu accès à pléthore de « maisons », maisons de couture, un toit pour les fesses. My kingdom for a horse. Cela m’a enlevé toute pudeur. Je verrai maintenant une forme de résistance culturelle face à un système ignare et court-termiste, de me balader comme un ver, toute nue. Et surtout, surtout, je crache par terre ici sur cette pas-feuille, cette promesse, vous m’en êtes témoin, de rester libre, fidèle à ce qui me meut, sans jamais croire, comme conseillait Jöe Bousquet dans ses lettres à une jeune fille, à ce qui m’inquiète. Amour toujours. Je suis dans le ciel et m’éloigne sûrement de la Méditerranée… Merci à Julien Fournié de m’avoir ouvert les portes parisiennes de son atelier de couture il y a une semaine, juste avant le festival, avec un charme généreux, puis de m’avoir dégoter ce rêve de robe. Merci à Camille Seydoux, d’avoir sincèrement œuvré à me rendre jolie. Merci à Emmanuel Burdeau d’avoir checké ses mails et été mon side-kick imparable dans la connexion Caen/Cannes. Merci à Florence Aubenas d’avoir défendu ma pomme auprès du service photo du Monde, mais surtout merci pour cet échange furieusement joyeux. Et merci à Gabrielle d’avoir patiemment visité tout le jardin des plantes, à 2 reprises, en long en large en travers, avec sa grand-mère, pendant ce grand week-end. Je rentre, mon enfant.