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Le 30 octobre, Albert Serra était au Café pour présenter son nouveau long-métrage, La mort de Louis XIV, sorti ce mercredi.
En compagnie de Sebastian Vogler, chef décorateur, et Laura Poulvet, assistant décorateur et accessoiriste de plateau, nous revenons sur la fabrication de ce film à bien des égards historique.
Charlotte Serrand : Comment s’est passée la construction du décor ?
Sebastian Vogler : C’était … « Free Style total » ! Avec Albert, il faut d’abord partir de l’intuition, des choses que l’on sait de lui, sans avoir beaucoup d’informations. Avoir peu d’instructions donne en même temps un espace pour créer avec plus de précision et de liberté.
Il y a eu une première phase de recherches, pendant l’été. J’ai pu me rendre à la bibliothèque du Château de Versailles et avoir accès à de nombreux livres. Cette bibliothèque, c’était comme un feu d’artifices, un trésor. J’étais très heureux. Les recherches m’ont permis d’être plus ou moins cohérent sur l’époque, donc plus confiant, et j’ai pu me constituer une banque de données. Je me suis notamment rendu compte qu’à cette époque les influences étaient très orientales, exotiques, excentriques même, et que cela cadrait parfaitement avec l’esprit de Serra.
Laura Poulvet : Pour point de départ, j’ai contacté le conservateur du Château de Versailles, Jacques Moulin. Celui-ci m’a indiqué qu’il était tout à fait possible, pour recréer la chambre du roi Louis XIV, de reprendre telle quelle celle qui est actuellement exposée au public, sauf les tentures, qui ne sont pas de la bonne époque. Nous avons alors opté pour du tissu rouge, qui donne une sensation d’opulence, et qui a un caractère organique qu’Albert aime beaucoup insuffler dans ses films.
Sebastian Vogler : Le tissu rouge, qui tapisse les murs, provient d’un magasin religieux à Séville. Il est généralement utilisé pour la Semaine Sainte. Mais le motif, lui, est d’origine orientale. Ce genre de tissus se nomme damas. On devait trouver des éléments de décors qui soient à la fois spectaculaires, et en harmonie avec le budget. Pour les autres tissus et les tapisseries, on a beaucoup travaillé, au moment du tournage, avec une famille d’artisans située non loin du Château de Hautefort, où a été tourné le film, les Établissements Lasconjarias.
Laura Poulvet : On a tendance à associer la Chambre du Roi au luxe et pourtant, comme le conservateur du Château de Versailles me l’a indiqué, dans la Chambre du Roi, c’était très codifié. Il y avait seulement le lit, quelques chaises, des ployants (tabourets en X qui peuvent se déplier et se déplacer facilement, permettant ainsi de réunir toute sorte d’assemblée), une table, et c’est tout. Les murs n’étaient pas recouverts de papier peint ou de boiseries, comme on pourrait l’imaginer, mais uniquement par du tissu.
Sebastian Vogler : Ensuite, mi-août début septembre, on a commencé les repérage. De tous les châteaux que nous avons visités dans la région qui nous soutenait, celui de Hautefort était le plus important, et le plus beau. La propriétaire a immédiatement été emballée par le projet. Il y a en plus une connexion entre Versailles et Hautefort : il me semble qu’un des architectes du Château de Hautefort avait fréquenté la Cour du Roi à Versailles. Mais contrairement au Château de Versailles, qui est sur une plaine, Hautefort est situé dans les hauteurs, avec de magnifiques jardins et une très belle vue. Seulement, la plupart des chambres étaient trop petites pour pouvoir être utilisées comme Chambre du Roi.
Laura Poulvet : La partie du Château de Hautefort dans laquelle nous avons tourné avait été détruite lors d’un incendie. Il ne restait plus rien que la structure et des murs … en béton ! Il a donc fallu reconstituer intégralement le décor. La pièce dont nous disposions faisait 5 mètres par 8, à peu près. Les murs et les encadrements de fenêtre étaient recouverts de crottes de chauve-souris qu’il a fallu éliminer avant de procéder à toute opération de peinture ou tapisserie. L’espace exigu entre le lit et la cour diminuait, en plus, les possibilités de prises de vue. Mais tout cela n’a pas empêché une très grande liberté artistique.
Sebastian Vogler : Même si cela semblait fou de devoir tout reconstruire, on s’est tout de suite dit que c’était une bonne opportunité et qu’on allait certainement pouvoir faire quelque chose de beau. On s’est demandé qui pourrait nous aider facilement, et qui pour cela était proche géographiquement. Les propriétaires du Château nous ont parlé des ateliers Ferignac, avec qui nous avons collaboré. C’est un peu le début de l’histoire : tout reconstruire depuis le début.
Le lit du Roi aussi ?
Sebastien Vogler : Oui. D’ailleurs le lit est presque un plateau de tournage à lui tout seul ! La plupart des pièces en bois viennent de la compagnie Ferignac, et sont des pièces faites sur mesure, découpées avec une machine, puis montées. Pour les autres parties du décor, on a fait venir des éléments de Paris, d’importants magasins de décors et d’accessoires de cinéma, réputés et chics, comme Soubrier (pour les grands objets luxueux, comme les chandeliers), Lanzani (pour les accessoires plus généraux, comme la chaise roulante ou le buste du Roi), ou Defrise (pour les petites choses, les assiettes, la cage de l’oiseau…)
C’est une vraie chance de travailler en France dans le domaine de la direction artistique. Il y a plus que ce que l’on peut imaginer, les possibilités sont incroyables, on se trouve face à de vrais univers. Il faut ensuite choisir et décider bien sûr, mais il y a beaucoup d’émotion car beaucoup d’échanges avec les professionnels, très précis et fins connaisseurs. Chaque objet raconte une histoire, apporte une nouvelle émotion, et cache une fantaisie.
Le lit semble déterminer beaucoup de plans et de cadres. C’est parfois même le corps du Roi qui cadre.
Laura Poulvet : Le lit était toujours “pensé” avant chaque prise, et le degré d’ouverture et de fermeture des rideaux était porteur de sens. C’est en effet un objet majeur de la dramaturgie, qui devait donc offrir beaucoup de possibilités de mise en scène dans ce huis clos. Plus généralement, je trouve qu’avec ses lignes plus douces, ses matières plus feutrées il casse judicieusement les verticales et les horizontales des plans larges. Je voulais des draps propres, partant du principe qu’on change toujours le lit du Roi, mais finalement on a opté pour des draps déjà usés, sales, gras. Cela me faisait un peu penser à Michael Jackson, avant sa mort. Il refusait que le personnel de ménage rentre dans sa chambre, il y avait dans le lit des poulets à moitié mangés et des chips. Enfin, c’est ce que disaient les médias à l’époque…
Plus le film avance, plus on parvient à « imaginer » – alors que tout semble opulent – , du fait de la taille petite de la pièce, la puanteur qui se dégage du corps.
Laura Poulvet : Oui, et ce qui est très fort c’est le mouvement de recul qu’ont un moment les docteurs face à la jambe du Roi. C’est très bien joué. On voit la répulsion totale, le Roi est en quelque sorte démystifié.
De combien de temps avez-vous disposé pour construire la Chambre ?
Laura Poulvet : Sebastian vit à Zurich, Albert à Barcelone, moi à Paris. Lors de la première partie du tournage et des recherches, on échangeait par Skype à trois, en anglais. Ensuite, Albert et Sebastian sont venus à Paris pour voir des objets et des matières que j’avais pu repérer. Ensuite on s’est installé près du Château de Hautefort, tous les trois, pour construire le décor, à peu près un mois avant le tournage.
Progressivement, tout le monde a mis « la main à la pâte », notamment pour peindre et assembler les objets qui étaient la plupart livrés en kit. Sanxini (surnom de Lluís Serrat Masanellas[1]) est venu nous rejoindre pour aider à la construction du décor. C’était important qu’il soit là, car sur un tournage de Serra, les collaborateurs sont les amis, il n’y a pas de séparation, et tout le monde travaille en harmonie. Il fallait avant tout transformer le béton, et ça tombait bien car Sanxini ne voulait faire que « les gros trucs ». Il me fait un peu penser au personnage Lennie Small, le doux colosse dans « Des souris et des hommes »: il est très manuel, mais dès qu’il y a des choses un peu minutieuses à faire, il refuse, complexé à l’idée de toucher à quelque chose de fragile.
Avec ses grosses pattes…
Laura Poulvet : Oui, il me disait que mes mains étaient plus adaptées que les siennes pour les choses fines. J’ai adoré travailler avec lui, nous ne parlions pas la même langue, mais c’est quelqu’un de très communicatif ! Il fallait habiller et structurer les portes, les plinthes et le sol avec des moulures et des corniches. On nous a conseillé des éléments en polystyrène extrudé, notamment en raison de leur faible coût. On a passé une journée d’étude à sélectionner chaque style, mais au retour du devis, mauvaise surprise, la fabrication était complètement hors délai ! On s’est donc rabattu sur les éléments en bois qu’on pouvait façonner directement sur place, à Hautefort, avec une fraiseuse.
Il n’y avait qu’une seule pièce ?
Laura Poulvet : Oui, mais afin de rendre plus crédibles les entrées et les sorties des personnages, de donner l’illusion de la circulation, on a créé une sorte d’antichambre, à côté de la chambre du Roi. C’est une pièce que j’ai équipé de moulures, de rideaux, dans la continuité, et qui a été peinte pour apporter quelque chose de fini, mais pas meublé, pour y faire un peu ce qu’on veut. Il n’y a pas trop de profondeur mais ça suffit pour y installer un semblant de vie. C’est notamment là que prend place le banquet au début du film.
Il y a cette scène où Blouin (le valet de Louis XIV, interprété par Marc Susini) et Fagon (le médecin du Roi, interprété par Patrick d’Asumçao) dorment dans la chambre du Roi, presque aux pieds du Roi. On a tout à coup l’impression d’être dans un dortoir, dans une maison de vacances…
Laura Poulvet : Cette scène est totalement improvisée et instantanée. Selon le protocole de la Cour, il aurait fallu mettre des lits d’appoint ou des lits militaires. Nous on a mis les lits directement au sol, en réutilisant les couvre-lits utilisés pour une autre scène qui n’a pas été gardée. Ça donne une idée d’urgence. Cette souplesse dans le tournage, et les contraintes auxquelles nous étions soumis, ont donné lieu à des choses amusantes et amènent une certaine fantaisie.
Il y a cet objet étrange avec les œufs, que Blouin apporte au Roi. Il y a eu une partie du travail consacrée à des recherches, mais comment la réalité historique était-elle perçue ?
Sebastian Vogler : C’est un objet assez anachronique ! Albert n’est pas forcément intéressé par la réalité historique. Il peut accepter des choses amusantes, singulières, ou extravagantes. Bien sûr il aime les choses surréalistes et ce « porte-œufs » l’est totalement.
Laura Poulvet : Parfois je présentais à Albert un verre à vin qui me semblait intéressant, car absolument d’époque, et il s’en fichait un peu. Chez Serra, la réalité historique n’est pas du tout envisagée comme une nécessité. Avec Sebastian nous avons donc pu nous faire plaisir: nous n’étions pas enchaîné à quelque chose de psycho-rigide et on se laissait aller à nos “coups de coeur”. De plus, notre stock d’accessoires étant assez limité, on devait très fréquemment changer les repas, les bouquets de fleurs, la couleur du vin, les ornements, bref, il fallait inventer encore.
Cultiver cette souplesse dans l’univers très codifié qu’est la Chambre du Roi est une opération complexe, et je pense que c’est là où le film devient intéressant: lorsqu’il y a une rencontre entre une totale liberté, typique des films de Serra, et un univers très contraint.
Par rapport à la liberté artistique et à la liberté de ne pas forcément être dans la réalité historique, on peut aussi évoquer le grand lustre que l’on voit dans le film : tous les spécialistes nous disaient que c’était complètement anachronique d’utiliser un lustre en cristal de deux mètres de diamètre, sans compter les contraintes de manutention et le soin spécial que cela requiert. Mais on a tenu à cet objet très grand pour habiller la pièce. Comme nous sommes partis d’une pièce vide, en béton, on avait tendance à vouloir la remplir, et à partir dans l’excès inverse. Et puis, finalement, du début à la fin du film, on ne voit que l’amorce du lustre. N’empêche que j’aime l’idée que la chose immense ait pu être diminuée. C’est la présence du lustre, plus que le lustre lui-même qui compte. Quand on sent, dans un film, que le décorateur veut à tout prix que son travail soit visible, en dépit du scénario, cela peut être compromettant. Ici, le lustre, même hors cadre, donnait des lumières incroyables. Un jour, alors que tous les électriciens avaient éteint les lumières, seule la lumière du soleil couchant dans l’axe de la chambre pénétrait dans la pièce, et le lustre la diffractait sur le plateau. C’était impressionnant.
Et le “coffret à yeux » ?
Laura Poulvet : C’est l’objet le plus anthropomorphique du film. Je l’ai trouvé chez un antiquaire spécialisé dans la médecine, rue Jacob à Paris. Celui-ci m’a indiqué que cet objet n’était pas du tout d’époque, et j’ai failli ne pas le prendre. Mais en concertation avec toute l’équipe, on était persuadé qu’il allait provoquer quelque chose d’intéressant sur le plateau.
Plus généralement, on a voulu prendre des objets qui déclenchent “quelque chose” chez l’acteur, qui lui donnent la matière pour improviser, qui s’adressent directement à l’imaginaire. Je pense aussi à la chaise roulante : il y a mille manières de l’utiliser. Ou à la cage à oiseaux. Autant d’objets qu’on a pris pour le “jeu”, pour faire vivre les choses. Ce critère de fort pouvoir imaginatif a été déterminant pour l’ensemble du film. C’est d’ailleurs la seule consigne sur laquelle Albert a vraiment insisté.
Sebastian Vogler : Un jour Montse Triola (productrice d’Andergraun Films) feuilletait un magazine, et il y avait une pub Chanel avec exactement la même cage à oiseaux ! Ça nous a beaucoup faire rire, d’autant qu’on avait trouvé la cage, qui est en porcelaine de Chine je précise, avant de connaître cette pub.
Comment les acteurs ont appréhendé les objets ? Il fallait les manipuler de façon précise, technique ?
Sebastian Vogler : Jean-Pierre Léaud utilisait tous les objets de façon très généreuse, respectueuse, et il les aimait beaucoup. Il pouvait dire des choses comme « Wahou, c’est beau ». Il était très heureux avec tous ces objets, et on avait vraiment tendance à le considérer comme Le Roi.
Laura Poulvet : J’ai formé les docteurs pour leur expliquer comment bander une jambe, par exemple, ou utiliser une palette à saignée, car il y a des gestes particuliers. Mais on a jamais vraiment préparé : le moment où Jean-Pierre Léaud et les médecins utilisent le coffret à oeil, par exemple, c’est le moment même où ils découvrent les objets. Il n’y avait pas eu de répétitions. Au même titre qu’avec le décor, avec les accessoires il ne faut pas enfermer le jeu, il ne faut pas trop expliquer le mode d’emploi de chaque objet : il ne faut pas empêcher les maladresses, car ces dernières sont chères à Serra.
Comme lorsque Blouin se brûle?
Laura Poulvet : Oui ! Et Blouin se brûle vraiment ! J’entends vraiment sa peau faire “ppssscch”. Et il reste digne. Il ajoute même “je suis désolé, Sire, mais je viens de me brûler”. C’est le gag de l’accessoiriste, car j’étais censée faire les tests, bref être là pour me brûler avant lui ! Mais cela donne une belle sensation de complicité entre les deux personnages.
On a l’impression agréable dans le film d’un mouvement circulaire, d’une ronde, rendue palpable notamment à travers tous les objets qui rentrent et sortent du cadre ; comme s’ils avaient aussi une âme.
Laura Poulvet : C’est vrai, notamment avec Blouin qui est très associé au service de la nourriture. Avec cette ronde des objets, il y a aussi une légère évolution à laquelle j’ai veillé. Plus on s’approche de la mort, plus on trouve des fioles et des remèdes sur la table du Roi. Il y a moins d’objets qui inspirent la fête, le divertissement. Toutes les évolutions des objets servaient à renforcer l’évolution de la santé du Roi, même si on n’a pas tourné les scènes dans l’ordre. De plus en plus, les choses se simplifient, on tend vers l’eau ou la gelée, à la place des plats plus abondants. Sur la table, au début du film, on trouve des objets religieux et politiques. Ceux-ci sont remplacés petit à petit par des fioles, des bandages… Insidieusement, sans qu’on s’en rende compte, il y a un avant et un après.
C’est comme si Louis XIV était lui-même soumis au temps qui s’écoule, au temps de sa mort. Il n’est pas immortel. J’aime en effet voir cette configuration des personnages autour des objets. Quand un personnage utilise un objet, les autres servent de témoin, ou ne font rien. C’est beau que les acteurs se soient appropriés les objets de cette façon, en faisant des cercles concentriques autour. Il y a déjà quelque chose d’organique dans le film (les sons des animaux par exemple), que viennent renchérir le verre, les prothèses, les accessoires, l’autopsie. Il y a donc un ensemble cohérent entre l’organique déjà présent, et les accessoires.
Il y a beaucoup de jeux avec les “variations”. Les choses se répètent, avec de légers changements.
Laura Poulvet : Il y a en effet tout un rapport de force qui se passe à l’image entre l’ennui et le divertissement. Ces petites variations permettent finalement au roi d’avoir son degré de contentement, dans une faible marge, qui s’avérera insuffisante pour sortir de son ennui. Du divertissement, il ne lui reste plus que des miettes. La fonction qu’il exerce, malgré tous ses privilèges, implique le spleen.
Sebastian Vogler : La scène de l’autopsie est très élégante, et sophistiquée. On a énormément travaillé pour trouver des objets horrifiques, qui vont de plus en plus profondément dans un radical « dark », diabolique presque. Dans la scène de l’autopsie, le luxe doit disparaître. Il fallait donner l’impression d’un autre voyage, de quelque chose d’isolé. On s’est beaucoup inspiré de la peinture pour cette scène, notamment de Zurbarán[2], car il a peint beaucoup de natures mortes.
Laura Poulvet : Pour l’autopsie, je me suis principalement renseignée à partir d’internet, de youtube, mais aussi de la Bibliothèque de l’université Paris Descartes, rue de l’école de médecine, où j’ai pu consulter le document original dans un registre d’archives. L’autopsie de Louis XIV, que l’on voit à la fin du film, est la deuxième autopsie de l’Histoire des Rois de France, la première ayant été celle de Louis XIII. Avant, cela n’était pas venu à l’idée de la profession, qui trouvait cela inutile. Il s’agit d’un état des lieux de la tête, ensuite des parties digestives, enfin la prostate. C’est basé sur des codes.
Sebastian, tu as aussi travaillé pour Les Trois Petits Cochons (dOCUMENTA, Kassel) ou Singularitat[3], avec des décors monumentaux, « déraisonnables »[4].
Sebastian Vogler : Dans certains films de Serra, les personnages ou les histoires sont grands. Que ce soit Louis XIV, Hitler, Goethe… Je crois que ça à voir avec ça. Dans Singularitat, il y a aussi la mine, l’or, de grands espaces. De mon point de vue, il s’agit d’être proportionnel avec l’histoire, avec les personnages. Cela est aussi en relation avec le pouvoir. On ressent ce besoin de montrer ce pouvoir, cette importance. Sans doute aussi qu’Albert aime les images fortes et phallocentriques quelque part. Il aime aussi les choses luxueuses, les métaux nobles. Il est très esthète. Il aime faire les choses avec qualité, sensibilité. Je crois qu’il aime transmettre cette image de la qualité, du pouvoir, du luxe, mais toujours avec beaucoup de joie, d’amusement, d’esthétisme.
Site de Laura Poulvet > http://www.laurapoulvet.com/
Site de Sebastian Vogler > http://www.sebastianvogler.com/
Site d’Andergraun Films > www.andergraun.com
[1] Luis Serrat Mansaellanas, acteur fidèle d’Albert Serra qui joue dans tous ses films et apparaît une fois dans La Mort de Louis XIV.
[2] On peut lire à ce propos le compte-rendu de la rencontre entre Catherine Millet et Albert Serra sur Zurbarán, qui a eu lieu à BOZAR à Bruxelles, en mars 2014.
[3]Film-installation de 12 heures réalisé par Albert Serra pour la Biennale de Venise en 2015.
[4]On peut lire à ce propos les “Chroniques de Kassel” d’Albert Serra, publiées dans la revue Capricci, n°1, 2013, notamment le texte « Mon Système » dans lequel Serra parle du décor de la pièce, devenu lui-même… une œuvre d’art.