Présentation

Philippe se retrouve pour la première fois seul-à-seul avec Marianne. D’abord embarrassante, la situation prend néanmoins une tournure inattendue, avec l’enregistrement de la voix de Marianne pour un jingle radiophonique.

Activité

Relever les motifs radiophoniques exprimant l’attirance entre Philippe et Marianne.




L’attraction de Philippe : les motifs radiophoniques

Alors que Philippe est en train de bricoler dans le local rudimentaire de « Radio Warsaw », une bobine de bande magnétique traverse la pièce en se déroulant sur le sol. Dans l’espace attenant, qui sert de chambre occasionnelle, Marianne se réveille à peine et le jeune homme ne distingue pour le moment qu’un orteil à l’ongle peint qui dépasse de sous la couette. Selon toute vraisemblance, ce n’est donc pas elle qui a fait rouler le bobineau. La mise en mouvement de l’objet, qui détourne Philippe de son occupation et connecte une première fois les deux protagonistes, restera sans explication factuelle et possède dès lors un statut singulier. Il s’agit d’un événement purement symbolique, reliant poétiquement la jeune coiffeuse au technicien amateur ; comme un signe de prédestination envoyé sur un support d’enregistrement que le jeune homme connaît bien, puisqu’il le pratique quotidiennement. Les « magnétiques » annoncés par le titre du film, ce sont donc ces deux-là. Ce que la suite de la scène va se charger de décliner sur le même registre.

Tandis que Marianne sort du lit et s’habille à la hâte pour ne pas être trop en retard, Philippe l’observe discrètement dans le reflet de l’opercule chromé d’un haut-parleur, lequel lui procure un point de vue privilégié sur la nudité de la jeune femme. C’est donc à nouveau par le biais d’un instrument lié à l’activité radiophonique (domaine de la maîtrise pour Philippe) que se noue le lien intime entre elle et lui.





Séduction acoustique

Peu à l’aise voire maladroit et emprunté, Philippe trouve tout de même le moyen de retenir Marianne en l’invitant à prêter sa voix pour l’enregistrement d’un jingle. Lorsqu’elle accepte, la caméra change alors d’axe et vient saisir les deux personnages dans un même cadre, tandis que la partie centrale de l’image réserve une large place à une fenêtre, éclairant symptomatiquement la sous-pente jusqu’alors plongée dans une quasi pénombre. Ce surgissement lumineux consacre implicitement l’éclosion du sentiment amoureux, qui se développe innocemment à l’initiative de Philippe, presque malgré lui. Le micro tendu vers la bouche de Marianne équivaut en effet à un substitut de premier baiser, reconfiguré selon un protocole technique procurant ponctuellement au jeune homme l’assurance qui lui fait défaut.
Les indications qu’il prodigue à Marianne vont d’ailleurs dans le sens d’une exacerbation de la sensualité vocale, laquelle donne ensuite naissance à une véritable démonstration de maestria audio-phonique. L’intrigue se déroule au début des années quatre-vingt, donc bien avant l’avènement de l’ère numérique ; soit une époque où la création sonore implique la manipulation de nombreuses machines différentes, nécessitant souvent un apprentissage aussi long que fastidieux : magnétophone à cassette, lecteur de bande, table de mixage, platine disque, etc. Sous l’effet du « P. For Peace » susurré par Marianne, la dextérité et l’inventivité de Philippe s’expriment sans entraves, en une sorte de déchaînement artistique qui ne laisse pas la jeune fille indifférente. En véritable homme-orchestre, Philippe fait virevolter ses doigts d’un appareil à l’autre avec inspiration, ce que souligne l’accélération du montage autant que le resserrement du cadre sur les multiples gestes effectués. La partition électro-acoustique improvisée culmine en une sorte de happening bruitiste, sous le regard médusé et admiratif de l’auditrice.

La simple prise de son initiale se métamorphose dès lors en une entreprise de séduction non préméditée : une étreinte métaphorique par l’entremise du mixage radiophonique.