Face à ses responsabilités
C’est par un lourd silence que commence la séquence qui confronte Alison à ses responsabilités face à l’équipe du centre maternel. Succédant au plan sur le visage atterré de Camille éclairé par la lumière intermittente de l’ambulance emmenant Diana à l’hôpital, le plan sur la nuque d’Alison fait écho au plan dans le dos de la juge décidant du placement de Camille au début du film. Cet effet d’e symétrie opère une mise en parallèle des comportements de Diana et de Clo, revendiquant toutes deux avec véhémence leur amour pour leurs enfants après les avoir mises en danger.
Mais le récit, qui nous a invité à suivre les personnages dans leur difficulté à affronter la question de la maternité opère une bascule de point de vue : la mise en scène place le spectateur en situation d’empathie avec les personnages, malgré leur inconséquence. Au cours de la confrontation, la caméra, restant du seul côté d’Alison, ne donne ainsi à voir que les réactions de la jeune femme, reléguant les éducateurs dans le flou de l’arrière-plan alors que leurs explications viennent ricocher avec violence sur le visage dévasté d’Alison. Sa douleur est rendue sensible par le gros plan en légère plongée sur son visage dramatisé par la lumière contrastée, alors que la jeune femme conteste désespérement le placement de Diana.
Une lente germination
Par un effet de chevauchement sonore, Camille semble assister par procuration à l’échange tragique. « Elle va rester avec moi… Elle ne va pas partir, c’est ma fille, la fille de personne d’autre » : les mots d’Alison résonnent fortement sur le visage de Camille dont on sait qu’elle envisage de placer son bébé dans une famille d’accueil. Un travelling avant rend sensible la tension intérieure qui habite Camille faisant face dans l’ombre à sa responsabilité dans la convocation d’Alison. Mais les réflexions qui la traversent portent aussi sur sa propre maternité, comme le souligne l’apparition progressive d’un battement cardiaque annonçant la séquence d’échographie.
Raccordée par le son et le mouvement de travelling avant, la scène de l’échographie ausculte l’évolution de Camille par rapport à sa grossesse. A ses côtés se trouve seulement Nadine, Clo ayant explicitement déclaré quelques scènes plus tôt qu’elle ne viendrait pas, pour ne pas voir la référente « et sa tête pleine de bons sentiments ». Celle-ci prend donc la place de la mère accompagnant sa fille dans les moments importants de son existence. La scène contraste avec la première échographie de Camille, qui manifestait le refus de voir et d’entendre les signes d’existence du fœtus. Le visage tourné vers l’écran, Camille observe cette fois-ci l’écran du moniteur, tout en refusant de connaître le sexe de l’enfant à naître. Le lent travelling avant suggère l’idée d’une germination intérieure : le développement du fœtus suscite l’émergence de nouveaux sentiments, plus complexes que son déni initial.
Jeux de miroirs
La séquence de la buanderie est d’autant plus dramatique que la mise en scène appuie l’idée de la symétrie entre les personnages autour de la question de la maternité. Autour d’une machine à laver vide, dont la cavité circulaire résonne avec le ventre maternel de Camille au plan précédent, Alison prend violemment son amie à partie. Le lave-linge joue donc le rôle d’un motif symbolique de la maternité : la manière dont Alison houspille sa fille en vidant l’appareil à contre-cœur témoigne ainsi de son rejet adolescent des contraintes familiales.
La violente altercation oppose le ressentiment d’Alison et le souci de protection de Camille, mettant en miroir les ventres des deux jeunes femmes de part et d’autre du lave-linge, avant que Camille vienne prendre la place précédemment occupée dans le cadre par son amie au pied de la machine. Le plan sur les mains de Camile tenant les vêtements de Diana et enserrant la rondeur de son ventre rend alors sensible, le questionnement de la jeune femme sur l’attachement maternel.