Présentation

Suite à une tentative d’avortement hors délai qui a mis sa vie en danger, Camille est séparée de sa mère et placée dans un centre maternel sur décision de justice. Elle rencontre bientôt Nadine, sa référente, ainsi que d’autres jeunes femmes qui lui ressemblent. La mise en scène s’attache à montrer sa découverte de l’institution au sein duquel elle va devoir trouver sa place.

Activité
Comment la mise en scène manifeste-t-elle le de désarroi de Camille : gestes, cadrages, effets de montage ?



Tension et désorientation

En suivant la voiture qui amène Camille vers son nouveau lieu de séjour, le panoramique rapide exécuté par la caméra introduit le spectateur dans la cour du centre maternel en produisant une sensation de bascule : la vie de la jeune fille change soudain de cap.

Dans un raccord brutal, la caméra se focalise sur l’échange véhément entre les responsables du centre (Nadine et la directrice) et Alison, surcadrée dans le reflet de la porte vitrée. Introduisant des personnages qui auront une grande importance par la suite dans le récit, le plan qui les présente est étrangement décentré : les interlocutrices se trouvent de fait dos à dos dans la composition de l’image. Ce plan instaure d’emblée une ambiance électrique exprimant les rapports de force en jeu dans le centre maternel liés au respect du cadre de l’institution et à la difficulté d’assumer une parentalité responsable.

L’arrivée de Camille au centre relève à proprement parler pour elle d’un décentrement voire d’une complète désorientation. Malgré la désinvolture affichée face à son éducateur, la sensation de perte de contrôle s’exprime dans la multiplication des points de vue sur la jeune fille (en plan large tout d’abord, puis depuis le point de vue de Nadine, en gros plan ensuite) et la discrète accélération du montage.



La visite du centre

L’entrée dans les locaux du centre fait baisser sensiblement la pression. après une ellipse discrète (« …Et là, c’est la crèche »), la mise en scène en caméra portée reste attachée à la découverte des lieux par Camille au sein d’un espace surcadré (le couloir) qui manifeste visuellement la perte de contrôle de la jeune fille au sein du centre. Sans se départir de son caractère sanguin, la jeune fille observe, circonspecte, cet espace qui sera la sien pour ses prochains mois d’existence.

L’entrée dans la pièce commune où des jeunes femmes donnent à manger à leur enfant crée chez elle ce qui semble être une petite commotion. De par sa symétrie, son grand angle et sa légère contre-plongée, le plan qui présente la pièce provoque une sensation de monumentalité. Le cadrage ne correspond en effet pas à la hauteur du regard du personnage mais à celui de ses pieds, s’avançant bientôt d’un pas hésitant vers l’intérieur de la pièce pour traduire la réticence de Camille. Le sentiment de malaise de la jeune fille devient explicite dans le contre-champ où elle fixe du regard le bébé et sa mère au premier plan de l’image, prenant conscience de l’avenir auquel elle est promise. Elle est projetée dans un monde où se cristallisent des responsabilités bien trop grandes pour ses fragiles épaules d’adolescente.



Enfermement

Cette découverte du centre s’achève par l’installation de Camille dans sa chambre. La sensation de désorientation puis de malaise se métamorphose alors en un sentiment d’emprisonnement. La lumière qui laisse les visages dans l’ombre, le cadre dont la perspective est entravée à la fois par les pans de murs à droite et à gauche qui réduisent le champ et par le corps de Nadine au centre participent de matérialiser ce ressenti. La sensation de désarroi de Camille est exprimée par un gros plan en plongée légèrement déformante sur son visage suivi par un gros plan sur l’agitation de ses mains écaillant compulsivement son vernis à ongle.

Le plan-séquence final, débutant sur un gros plan sur la chaussure de sport de la jeune fille face à la porte fermée, cristallise la détresse du personnage. Le travelling autonome, débute sur la porte fermée avant de se diriger lentement vers le visage de Camille visionnant ce que l’on comprend être la vidéo d’un karaoké partagé avec sa mère. Les mots de Véronique Sanson résonnent dans la pièce, pour expliciter le sentiment d’abandon qui gagne l’adolescente coupée brutalement de cette mère avec laquelle elle entretient un lien fusionnel. Le passage du son in à la musique off et la travelling avant sur Camille, le regard collé à son smartphone, expriment dans un fort crescendo émotionnel le sentiment de dépossession de la jeune fille.