Présentation

Camille retrouve sa mère pour la seconde fois depuis son placement. Ce temps de séparation douloureux a été pour Camille a contribué à sa maturation psychologique, au contact de Nadine et de Diana, la fille d’Alison. Au-delà du bonheur de se retrouver, la mise en scène introduit des dissonances dans la relation fusionnelle entre la mère et la fille.

Activité
Analyser les effets de mise en scène qui mettent à distance la relation fusionnelle entre Camille et sa mère : dialogues, composition d’images et mouvements de caméra.



Retrouvailles : une distance invisible

Après avoir franchi plusieurs portes vitrées, Camille retrouve les bras de sa mère. La caméra la suit dans un mouvement de panoramique gauche-droite qui fait passer Clo d’un simple reflet fantomatique à une présence envahissant le cadre en gros plan, dans ce plan introductif qui symbolise l’inconstance de Clo vis-à-vis de sa fille. La distance provoquée par le temps de la séparation et les doutes laissés par leur dernière rencontre semblent s’évanouir instantanément dans le bonheur des embrassades.

Le plan suivant instille pourtant discrètement l’idée d’un possible hiatus au sein de la relation étroite entre la mère et la fille par sa composition très marquée, séparant clairement par la verticale d’une cloison deux espaces distincts. Ainsi, quand Clo – rejouant la fusion – affirme dans la partie droite de l’image avoir dormir depuis deux mois dans le lit de sa fille, cette dernière, coincée dans la partie gauche, note les dates de péremption dépassées des aliments stockés dans le frigo. Son parcours au sein du centre maternel, en prenant soin de la petite Diana notamment, a éveillé sa conscience de l’importance de prendre soin de soi et des autres, un sens des responsabilités qui contraste avec l’incurie manifestée par sa mère.



L’homme de ma vie

Ce hiatus ne dure qu’un instant et, dans plan suivant, Clo et Camille serrées l’une contre l’autre se partagent une cigarette dans un grand lit. Elles replongent dans leur relation fusionnelle où les rapports de parentalité semblent sont évacuée au profit d’une amitié sororale et addictive (« ma came »). Alors que Camille interroge Clo sur son absence d’appel téléphonique, cette dernière lui lance sur le mode de la plaisanterie, qu’elle est « l’homme de sa vie », dans une phrase révélatrice de son déséquilibre affectif. Le cadrage passe d’un plan poitrine détaillant les mains entrelacées des deux femmes puis leur visage, à un plan moyen qui, en les surcadrant à partir du chambranle de la porte, instaure une distance marquant les limites de l’espace intime. Revenant ensuite au plus près des corps, la caméra délaisse les personnages pour désigner par un travelling l’horizon maritime à travers la fenêtre de la chambre. Ce décentrement souligne discrètement le caractère délétère de la relation passionnée entre la mère et la fille, privilégiant la fusion au soutien affectif et à l’ouverture au monde qui définissent le cadre d’une relation parentale responsable.



La traversée des apparences

La toxicité de la relation entretenue par Clo envers sa fille est mise en évidence dans la scène suivante. Partageant un bain, la mère et la fille se concentrent sur les mouvements du bébé que porte Camille. L’ample mouvement de caméra passant de l’une à l’autre traduit leur proximité dans l’espace intime de la baignoire.

Le plan final de la scène introduit pourtant un hiatus dans la relation de complicité entre les deux femmes, lorsque Camille demande des précisions à sa mère concernant la prétendue nouvelle relation amoureuse de Mehdi. Cadrée à partir du miroir, le visage Camille apparait morcelé lorsqu’elle écoute les assertions de sa mère, qui seront démenties dans la séquence suivante. Le morcellement de l’image, le regard interrogatif de la jeune fille face au miroir et le silence gêné de sa mère qui ponctue sa dénégation en plongeant la tête sous l’eau, tout ici concourt à suggérer une fêlure dans leur relation de confiance. La confrontation au miroir fonctionne comme une traversée des illusions, une prise de conscience de l’inadéquation entre le fantasme de la mère parfaite, totalement dévouée à sa fille, et la mère réelle, exclusive et aliénante, rejouant dans la baignoire le scénario de la fusion originelle.