Fiche technique
Titre : Petites
France – 2022 – 1h30
Réalisation : Julie Lerat-Gersant
Scénario : Juliet Lerat-Gersant et François Roy
Image : Virginie Saint-Martin
Musique : Superpoze
Interprétation
Pili Groyne : Camille
Romane Bohringer Nadine
Victoire Du Bois : Clo
Synopsis
Enceinte à 16 ans, Camille se retrouve placée dans un centre maternel par le juge des enfants. Sevrée d’une mère aimante, mais toxique, elle se lie d’amitié avec Alison, jeune mère immature, et se débat contre l’autorité de Nadine, une éducatrice aussi passionnée que désillusionnée. Ces rencontres vont bouleverser son destin…
PRÉPARATION DE LA SÉANCE
Julie Lerat-Gersant
Julie Lerat-Gersant, née à Caen en 1983, est réalisatrice, scénariste et dramaturge. Après des études en école supérieure de théâtre, elle cofonde en 2006 la compagnie La Piccola Familia avec Thomas Jolly, où elle travaille en tant qu’actrice et dramaturge. Son travail se caractérise par une approche humaniste et une attention particulière aux questions sociales, notamment celles touchant à la jeunesse et à la maternité. Son premier long-métrage, Petites, a été salué pour sa justesse et son réalisme dans la représentation de l’univers des centres maternels et des jeunes mères. Elle tourne dans la foulée de Petites, un documentaire La Pouponnière (2024), qui propose une immersion dans un refuge d’enfants en situation de maltraitance. Parallèlement à sa carrière cinématographique, Julie Lerat-Gersant continue sa carrière théâtrale et s’investit dans l’écriture sous différentes formes (livre jeunesse, série…)
Dossier de presse : entretien avec la réalisatrice
Le prologue
Le visionnement du prologue permet d’impliquer les élèves avant la projection et d’amorcer le travail pédagogique par l’examen du cadre fictionnel proposé le film. L’incipit définit en effet l’horizon d’attente du spectateur à partir d’un cahier des charges narratif et stylistique :
– cadre narratif : espace et temps de l’action, présentation des personnages, annonce de l’intrigue, situation de l’action au sein du récit.
– cadre stylistique : traits d’appartenance de genre, effets de mise en scène, motifs symboliques
À cet égard, le choix du premier plan est toujours significatif de la stratégie d’entrée dans la fiction : un plan général propose ainsi l’introduction progressive du contexte du récit tandis qu’un gros plan met en évidence un élément symbolique et/ou dramatique jouant un rôle de pivot sémantique à l’échelle de la séquence ou du film entier.
Pistes d’observation
Un itinéraire initiatique
Le récit de Petites témoigne du parcours d’une adolescente enceinte placée dans un centre maternel. Relever dans le récit les éléments dramatiques décisifs dans son choix de garder ou non l’enfant à naître.
Mère et fille
La mère de Camille manifeste un comportement contradictoire vis-à-vis de sa fille, à la fois passionné et inconstant. Relever les séquences qui témoignent de cette ambivalence maternelle.
Motifs et décors
La mise en scène du film recoure à des éléments de décors (par exemple les fenêtres) et à des lieux privilégiés pour exprimer les sentiments de Camille. Relever des plans significatifs à cet égard.
ANALYSE DU FILM
Un réalisme subjectif
Julie Lerat-Gersant nous invite dans son film à explorer les problématiques liées à un centre maternel accueillant des jeunes femmes en difficulté avec leur devenir-mère ou leur maternité. S’inscrivant dans la filiation d’un cinéma social tel qu’il a pu être développé par les frères Dardenne en Belgique ou Andrea Arnold en Angleterre, Petites revendique une démarche réaliste qui s’exprime à la fois dans la précision documentaire du fonctionnement du centre mais aussi dans une mise en scène immersive qui implique le spectateur, caméra à l’épaule, dans la découverte progressive par le personnage de son nouvel univers. En scrutant les réactions de Camille au plus près de son fiévreux quotidien, de son corps, de ses gestes, il s’agit pour la réalisatrice de faire émerger à l’écran les conflits intérieurs de la jeune femme.
Une mère toxique
La représentation des rapports mère-fille met spécifiquement en jeu des enjeux d’identité, d’histoires en miroir voire de rivalité, sur lesquels Petites porte un éclairage tout en nuances avec les personnages de Clo et Camille. Le caractère fusionnel de la relation entre les deux personnages témoigne en effet d’une ambivalence toxique : Clo revendique son amour passionné voire addictif pour sa fille (« ma came ») démenti au cours du récit par l’inconstance déstabilisante de son comportement. Le travail de maturation psychologique de Camille, qui constitue le fil narratif principal du film, manifeste dès lors un double mouvement de prise de distance avec Clo et de rapprochement avec Nadine, dont le comportement protecteur propose un contre-modèle salvateur à la jeune fille.
Au miroir d’Alison
Au sein du récit, Alison occupe une place singulière auprès de Camille, qui se retrouve dans son comportement d’adolescente contestataire, impulsive et bravache. Le lien d’amitié entre les deux jeunes femmes est par ailleurs considérablement approfondi par la relation que Camille instaure avec Diana, qui lui fait découvrir des capacités d’attention et d’amour insoupçonnées. Cette relation protectrice de Camille avec Diana est d’autant plus significative qu’Alison adopte, en tant que mère, un comportement comparable à celui de Clo vis-à-vis de Camille : un mélange délétère d’amour passionné et de négligence égoïste, illustré par ce sophisme péremptoire : « Si je vais bien, Diana va bien !». La décision de Camille de renoncer à garder son propre enfant s’inscrit donc dans un parcours de libération du modèle représenté par Clo et Alison au profit d’une attitude responsable dont témoigne l’émouvante lettre finale.
Secret de famille
Par la complexité des sentiments et des rapports de pouvoir qu’elles mettent en jeu, les relations familiales constituent un thème majeur de la création cinématographique, allant de la dénonciation dramatique (Festen de Thomas Vinterberg) à la comédie enlevée (La Famille Tenenbaum de Wes Anderson) en passant par le film d’horreur (Carrie au bal du diable de Brian de Palma). L’exploration de ces relations donne souvent lieu à des scènes de révélation de secrets de famille empoisonnés. Dans Petites, c’est la naissance sous X de Camille, avant que Clo ne décide de la reprendre un mois plus tard, qui pose le premier jalon de la remise en cause de la légende maternelle. Le caractère explosif de la révélation du secret familial constitue donc un nœud dramatique majeur du récit permettant au personnage de s’affranchir d’une dépendance affective aliénante pour conquérir son indépendance.