Wasp d’Andrea Arnold (2003)
Le cinéma d’Andrea Arnold est une influence ouvertement revendiquée par Julie Lerat-Gersant. On retrouve ainsi dans Petites le même type de personnage que dans le premier court métrage de la cinéaste anglaise, Wasp, réalisé en 2003. Dans ce film, Zoé dissimule à Dave, un ancien petit ami, le fait qu’elle est mère de quatre petites filles. Pour pouvoir passer un moment d’intimité dans une voiture avec le jeune homme, la mère abandonne ses enfants sur le trottoir en leur demandant de ne pas la déranger. Mais l’apparition d’une guêpe (wasp) va contraindre la mère à dévoiler sa situation.
On retrouve dans Petites le souci de se confronter à l’opacité des corps pour approcher l’intériorité des personnages et laisser au spectateur le soin de se positionner vis-à-vis d’eux. Dans l’extrait présenté, l’insecte vient cependant apporter une touche quasi fantastique à un cinéma relevant d’un réalisme quasi documentaire (montage heurté et caméra portée). On pourra y lire le symbole du vibrionnement incessant du personnage principal mais également de la détresse d’enfants laissés à eux-mêmes, la guêpe venant ici donner corps à leur demande informulée de d’attention et de protection.
Wasp d’Andrea Arnold : court-métrage intégral.
Rois et Reine d’Arnaud Desplechin (2004)
Arnaud Desplechin s’est penché à de maintes reprises sur la cellule familiale et sur la complexité des liens se nouant au sein de celle-ci. A l’instar de Petites bien que sur un tout autre mode, Rois et Reine, réalisé en 2004, explore ainsi, entre autres motifs, la question de la filiation et celle de l’adoption. Dans ce film, Nora, interprétée par Emmanuelle Devos, cherche un père adoptif pour son fils dont le père s’est suicidé 10 ans plus tôt. Elle est confrontée dans le même temps à la maladie puis à la mort de son propre père auquel elle était très attachée. Alors qu’elle vide l’appartement de ce dernier, elle découvre une lettre que celui-ci lui a adressé avant de mourir et dans laquelle il dévoile la vérité sur les sentiments qu’il éprouve vis-à-vis de sa fille.
La violence de cette découverte est représentée par une confrontation imaginaire entre Nora et son père, dont la tirade d’outre-tombe envahit la bande sonore de ses reproches acerbes. Avec son dispositif théâtral – le monologue d’un personnage face caméra devant un mur uniforme – la scène évoque s’inspire d’Ingmar Bergman dont le cinéma dissèque avec crudité la violence des relations familiales. Plongeant son regard dans l’objectif de la caméra, le père interpelle directement le spectateur au cours d’un travelling implacable et glaçant. Sous le choc de cette révélation d’une scandaleuse brutalité, Nora dissimule la lettre sous ses vêtements, endossant par ce geste le secret de la malédiction paternelle.
Sonate d’Automne (1978) d’Ingmar Bergman : Eva reproche à sa mère, Charlotte, sa duplicité et son égoïsme.
À bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson (2004)
Que ce soit dans La Famille Tenenbaum (2001), Moonrise Kingdom (2012) ou À bord du Darjeeling Limited (2004), l’américain Wes Anderson n’a eu de cesse d’explorer lui aussi les liens difficiles unissant les enfants à leurs parents. Dans ce dernier film, trois hommes décident à la suite de l’enterrement de leur père, de partir retrouver leur mère qui a mystérieusement disparu de leur vie depuis de nombreuses années sans donner d’explication. Ils la retrouvent dans un monastère chrétien perdu dans l’Himalaya au sein duquel elle est devenue religieuse.
De par la géométrie mathématique de ses cadres et la distanciation de sa direction d’acteur, le cinéma de Wes Anderson est très éloigné de la mise en scène de Petites. Il n’en pose pas moins la même question : comment vivre face à la violence de l’existence ? On peut voir dans le geste formaliste de Wes Anderson une manière de conjurer les tourments de ses personnages. La mère, surprise par les reproches de ses fils, leur fait comprendre d’un signe de la main refuser d’être considérée comme la sainte vierge dont on a aperçu une statue dans la pièce.
Wes Anderson propose de dépasser les faiblesses des êtres et des relations pour tenter de retrouver un équilibre, dans un moment de silence partagé comme thérapie familiale aux rancœurs accumulées. Il inscrit ainsi l’imperfection de l’existence au cœur d’un cinéma que l’on pourrait considérer comme purement maniériste.