Montage

Interpréter l’archive

par Isabelle Prim

Régulièrement, la revue du Café des images diffusera un court-métrage réalisé par un des étudiants de l’Ecole supérieure d’Arts et Médias de Caen / Cherbourg. Leur enseignante, la cinéaste Isabelle Prim, nous présente les enjeux d’une recherche centrée cette année sur de la question de l’archive.

Depuis une dizaine d’années, l’archive est au centre des pratiques visuelles : cinéma, vidéo, arts… Cette véritable passion contemporaine nécessite d’être interrogée et comprise, depuis ce qui semble constituer son paradoxe — pourquoi une telle passion, dans une époque qu’on dit par ailleurs obsédée par le seul présent ? — jusqu’à ses contradictions ou complexités, dont l’une est l’invention et l’utilisation de fausses archives, fabriquées de toutes pièces pour les besoins d’oeuvre. L’archive, autrement dit, n’est plus seulement documentaire, elle est de part en part devenue un effet d’art. Dans cette perspective, l’enjeu d’un enseignement autour d’une telle question, à tous égards centrale pour les pratiques artistiques contemporaines, est forcément double. La question doit être posée à la fois théoriquement et mise en oeuvre pratiquement, à travers des études — films, installations… — mais aussi des inventions de cas par les étudiants eux-mêmes. L’archive est en effet à la fois le problème et la matière de notre temps : son esprit et sa chair.

L’archive dont nous parlons ici est d’abord visuelle : documents télévisés, extraits de films, photos, gravures… Mais le propre d’une archive est justement de n’être jamais strictement visuelle : en tant que trace ou témoignage, en tant que document qu’on cherche à faire parler, l’archive tient toujours plus ou moins du texte. La place de l’archive dans le cinéma contemporain est d’ailleurs inséparable d’un certain retour de l’écriture, où l’on peut voir comme une proximité — paradoxale, inactuelle — entre le cinéma contemporain et le cinéma muet.

Dans un tel cadre — celui de l’archive vue comme image-texte ou texteimage —, l’idée d’un partenariat de l’ésam avec l’IMEC semble à la fois naturelle et nécessaire. La proximité de tels lieux est en effet une opportunité unique.

Il n’est pas exagéré de dire qu’aujourd’hui, le cinéma et la vidéo ont rejoint le vaste domaine des pratiques textuelles. Et il n’est pas exagéré non plus d’avancer que l’archive est aujourd’hui l’agent d’une nouvelle perméabilité entre les arts : cinéma, littérature, installation, etc. Mettre les étudiants au contact du fonds extraordinaire de l’IMEC permettra en ce sens d’affiner leur perception de l’archive, de son importance actuelle et de la signification qu’elle a prise dans le cadre des pratiques visuelles. Un tel partenariat serait en outre l’occasion de travaux présentés ci-après.

Il sera demandé aux étudiants de travailler sur des documents — manuscrits, lettres… — afin de les inclure dans la fabrication d’un film dont l’archive sera l’enjeu central. Ces documents de l’IMEC seront ainsi mis en contact, filmiquement, avec d’autres, dont certains pourront, comme évoqué plus haut, être « inventés » pour les besoins de ce travail.

La perspective sera alors double, documentaire et fictionnelle, objective et subjective, directe et indirecte, réaliste et poétique : mise en valeur de certains éléments des fonds de l’IMEC, mais aussi inscription — et forcément, transformation — de ces éléments au sein d’un travail artistique des étudiants.

Chacun de ces films s’est librement inventé à partir d’une archive : bobine super-8 trouvée aux puces, premières pages d’une nouvelle inédite de l’auteur de Fantômas, notes préparatoires de l’écrivain Christian Prigent, texte de Robert Smithon, chanson phare d’une grand mère chanteuse lyrique, …

Découvrez La Chasse à loup, court-métrage réalisé par Elisa Legrain, élève de la promotion 2014/2015, à l’issue de cet atelier.

 

Découvrez À commencer par l’extérieur, court-métrage réalisé par Thomas Bewick, élève de la promotion 2014/2015, à l’issue de cet atelier.