Fiche technique

Réalisation : Stanley Kubrick
Scénario : Stanley Kubrick et Jim Thompson
Musique : Gerald Fried
États-Unis – 1957 – 1h27

Interprétation
Colonel Dax : Kirk Douglas
Général Paul Mireau : George Macready
Général George Broulard : Adolphe Menjou
Caporal Philippe Paris : Ralph Meeker

Synopsis
En 1916, durant la Première Guerre mondiale, le général Mireau ordonne une offensive contre une position allemande imprenable. Au moment de l’attaque, les soldats tombent par dizaines et leurs compagnons, épuisés, refusent d’avancer. Le colonel Dax se révolte contre la cour martiale infligée pour l’exemple à trois soldats pour lâcheté devant l’ennemi.

PRÉPARER LA PROJECTION

Les Sentiers de Kubrick

L’originalité et la cohérence de la filmographie de Kubrick ont consacré ce cinéaste comme un des auteurs les plus reconnus du cinéma. Les vidéos ci-dessous évoquent des motifs importants de son oeuvre :
Tout est vrai (ou presque) / Arte (3mn) : bio-express humoristique du réalisateur
Top 5 musical Kubrick / Blow up (16mn) : présentation de l’oeuvre suivie de séquences musicales remarquables
5 raisons de revoir Les Sentiers de la gloire / Blow up (4mn) : une évocation subjective du film
Testez vos connaissances avec le quiz proposé ci-contre.

Ressources complémentaires
  Ciné-club de Caen : filmographie commentée de Stanley Kubrick
  LAC Normandie : frise chronologique illustrée des films de Stanley Kubrick

La guerre 14-18 au cinéma

La représentation de la guerre 14-18 a connu une évolution de l’immédiate après-guerre à nos jours, révélatrice des préoccupations dominantes du moment. Hommages aux combattants, dénonciations de la hiérarchie militaire, pamphlets pacifistes et œuvres commémoratives jalonnent ainsi la mémoire cinématographique contrastée de la Grande Guerre.

Questions
– Quels sont les trois visions de la guerre évoquées par la vidéo proposée ? Citez un film emblématique de chacune d’elles.
– Quels sont les rôles assignés aux femmes dans ces films ?

Ressource complémentaire
  Le Fil des images : la Grande Guerre au cinéma

Pistes d’observation

Un film antimilitariste
Relevez les séquences qui dénoncent le comportement de la hiérarchie militaire aux dépens des soldats.

La représentation des tranchées
Relever les procédés utilisés dans les séquences de tranchées pour impliquer le spectateur dans l’univers des soldats.

Mise en scène
Relever le film des plans qui vous paraissent remarquables par leur composition : symétrie, motifs géométriques, angles de prises de vue insolites.

ANALYSE DU FILM

Le couloir de la mort

L’espace confiné de la tranchée, mis en scène de manière constante au moyen de longs travellings, est traité de manière à la fois réaliste et métaphorique. La précision de la reconstitution témoigne en effet avec force de l’épuisement des soldats subissant le tir ennemi, souligné par le déplacement inexorable de la caméra dans la séquence de l’assaut. Au delà de l’effet de réel, Kubrick construit un espace symbolisant la marche d’un destin fatal, dont le général Mireau est dénoncé comme le chef d’orchestre impassible et ridicule. Lors de son inspection, celui-ci croise les trois soldats qui seront sacrifiés à sa folle ambition, comme pour amorcer la chronique d’une tragédie annoncée.

Ressource pédagogique
Transmettre le cinéma : analyse de la séquence de l’assaut

Politique du massacre

Les Sentiers de la gloire présente une violente dénonciation de la hiérarchie militaire, dont la stratégie est dictée par des considérations politiques et des ambitions personnelles. Le général Broulard est ainsi dépeint comme un politicien manipulateur absorbé par des mondanités et le général Mireau comme un pantin cynique jouant la vie de ses hommes pour satisfaire sa folle ambition. La séquence dans laquelle Mireau fait tirer sur ses propres troupes témoigne à cet égard d’une guerre de classe opposant les hauts gradés privilégiés aux soldats promis à une mort absurde dans la boue des tranchées.

Mécanique de l’oppression

L’institution militaire est dénoncée dans le film comme une mécanique sans âme broyant les individus au nom d’intérêts politiques. Les procès pour l’exemple de soldats tirés au sort constituent ainsi une pratique avérée pendant la première guerre mondiale, au nom de la remobilisation des soldats. Au moyen de savantes compositions d’images, Kubrick souligne le caractère arbitraire du procès et de l’exécution des soldats. Motifs géométriques, angles de prises de vues insolites et perspectives déformantes dénoncent ainsi visuellement un ordre aussi rigoureux qu’inhumain.

L’humanité partagée

La séquence finale de la chanson au cabaret contraste fortement avec l’ensemble du film, scandé par de violents conflits guerriers ou personnels ayant pour enjeu la victoire sur l’adversaire. Même s’il ne s’agit que d’un bref moment de répit, le film s’achève sur un instant de quasi épiphanie où le désir de paix semble pouvoir l’emporter sur la violence guerrière. « Laissez-leur quelques minutes de plus », demande d’ailleurs Dax à son sergent, lorsque ce dernier vient l’informer que le bataillon doit retourner sur le front. Durant ces quelques minutes de temps suspendu, l’humain l’emporte temporairement sur la machine de mort , quand bien même « les sentiers de la gloire ne mènent qu’à la tombe », pour compléter le vers du poète Thomas Gray, auquel le film emprunte son titre.

La guerre selon Kubrick

Fasciné par les mécanismes d’oppression, Kubrick a fait de la guerre un sujet majeur de son œuvre, traité de manière abstraite dès son premier film Fear And Desire (1953). En 1957, Les Sentiers de la gloire marque une date importante dans l’histoire du film de guerre par son antimilitarisme virulent. En 1964, il dénonce l’armement massif au cours de la Guerre Froide dans Docteur Folamour, une comédie satirique féroce. Dans Barry Lyndon (1975), il évoque la Guerre de Sept ans lors d’une séquence célèbre. Et enfin, dans Full Metal Jacket (1987), il met en cause la formation et l’action des jeunes « Marines » dans le contexte de la guerre du Vietnam. Ces cinq films manifestent la cohérence de sa vision de la guerre comme un dispositif de déshumanisation.

Ressources complémentaires

  CNC : livret enseignant sur Les Sentiers de la gloire
 Transmettre le cinéma : analyses de séquences
 Ciclic : Les Sentiers de la gloire en 3 minutes
  Les Grignoux : Les Sentiers de la gloire dans l’histoire
  Ciné-club de Caen : la Première Guerre au cinéma
  La Cinémathèque française : Stanley Kubrick, aux croisements d’une oeuvre
 La Cinémathèque française : conférence de Laurent Vachaud, scénariste et critique de cinéma

Texte : Youri Deschamps | Coordination éditoriale : Renaud Prigent | Publication : Café des Images / Normandie Images