La genèse du projet
Vladimir Gvojić : Nous sommes installés ici depuis le 21 novembre. Cela fait presque un an. Mon ami Luca Bursak est réalisateur. Nous avons parlé ensemble d’un domaine auquel je m’intéressais beaucoup : le destin des films de Belgrade – une destinée tragique à vrai dire. La société qui détenait les quatorze cinémas de Belgrade a été privatisée en 2005. En 2007, les derniers cinémas de la ville ont fermé. L’homme qui a privatisé toute la société est allé en prison car cette opération a été réalisée dans l’illégalité. Pendant une année entière, cela nous a beaucoup questionné mais nous n’avons rien fait. L’été dernier, lors d’un festival en Serbie, j’ai rencontré Mina Djukic, qui est réalisatrice. Elle voulait que la première de son film, The Disobedient, ait lieu dans l’un des anciens cinémas de Belgrade. C’était à ses yeux une question culturelle très importante. Pendant son tournage, elle s’était justement employée à investir les espaces désertés de la ville, à leur redonner vie. J’ai mis Luka et Mina en contact et c’est ainsi que tout a commencé. Ils se sont rencontrés, puis ils m’ont appelé et m’ont dit qu’ils prévoyaient d’occuper le cinéma. La décision était prise, j’ai alors contribué à la mettre en place.
Le cinéma serbe
V. G. : The Disobedient, de Mina Djukic, est le premier film à avoir été montré dans ce cinéma. Le jour suivant, ce fut Blackness, de Luka Bursac. Ces deux auteurs ont donné l’esprit de notre programmation. L’histoire du cinéma serbe est extrêmement riche. Connaissez-vous la Vague Noire ? C’est l’équivalent de la Nouvelle Vague française. Ce mouvement, porté par des cinéastes comme Dušan Makavejev, Aleksandar Petrović, Živojin Pavlović, ou Aleksandar Petrović, a fait la renommée cinématographique de notre pays à travers le monde entier. C’est pour cela que nous faisons tout cela. J’estime que c’est une honte et un gâchis pour une ville qui a une histoire si riche de ne même pas disposer d’une salle qui ne soit pas un multiplexe dans un centre commercial.
Les projets du Zvezda Cinema
V. G. : Nous avons toujours voulu nous agrandir. Nous souhaitons créer un centre culturel au sens où nous espérons créer une nouvelle Vague Noire, ou un autre type de vague, d’une autre couleur, bleue peut-être. Nous voulons que ce nouveau mouvement commence ici. Nous voulons créer un atelier, un espace pour les jeunes qui n’ont ni le lieu ni les moyens pour faire des films, ou de l’art conceptuel, de la peinture, des arts visuels – quel que soit le medium. Mon rêve, c’est de pouvoir offrir un bureau de préproduction pour que l’équipe puisse se retrouver et faire des réunions. Puis transformer l’espace en studio de montage ou de mixage. C’est quelque chose que j’aimerais beaucoup voir naître. Nous voyons des gens venir ici chaque jour, qui s’efforcent de se donner les moyens de créer l’œuvre qu’ils souhaitent partager.
La perception du cinéma
V. L. : Aujourd’hui, nous parvenons enfin à quelque chose. Les gens croient en nous. Ils ont compris notre point de vue, ils savent ce que nous voulons faire. Dans un premier temps, le projet a pu leur sembler très anarchique. Les journaux écrivaient qu’une poignée de jeunes gens occupaient le cinéma. Or c’est une propriété privée. Les gens étaient suspicieux. Mais cet endroit a été fermé pendant sept ans et si nous n’avions rien fait, tout serait resté en l’état. Mais je crois que nous pouvons encore nous améliorer, être meilleurs et plus rentables. Hormis le Zvezda, il n’existe aucun endroit dans cette ville où entrer librement pour partager ses idées.
Michel Gondry a défendu l’ouverture du cinéma Zvezda en réalisant un court-métrage animé, visible librement ci-dessous :