– Relever dans la séquence les significations attachées à l’utilisation de la lumière.
– Relever les références christiques dans cette scène de révélation.
De l’obscurité…
La séquence débute par un long plan fixe sur un judas obstrué par un ruban adhésif argenté. Ce plan « bouché » exprime la claustration forcée des personnages dans un espace aménagé pour protéger Alton de la lumière. Il désigne aussi l’enjeu dramatique et métaphorique de la séquence : la révélation de la vérité d’Alton associée à l’ouverture d’une brèche lumineuse au sein d’un espace cloisonné et obscur.
… à la lumière
Pour la première fois, spectateurs et personnages voient Alton en plein jour, dans l’encadrement de la porte ouverte par Lucas. Il a bonne mine et ne porte plus ses lunettes. La caméra est à sa hauteur et permet de cadrer l’enfant et la main de son père sur son épaule, immédiatement identifiable comme un geste d’amour et de protection. Le cadrage nous montre un père à la fois unique (celui de Roy) et universel (par ce geste symbolique).
Alton est désormais celui qui sait, ce qu’il est et ce qu’est le monde. Il entre dans la chambre pour y faire entrer la lumière (au sens propre comme au figuré, encore une fois). On notera qu’au lieu d’arracher les cartons qui obstruent les fenêtres, il se place devant le petit orifice laissant entrer la lumière du soleil, dans un geste qui revêt deux significations complémentaires :
– il témoigne dramatiquement devant Lucas et sa mère de sa capacité à affronter la lumière et de la maîtrise sur son destin ;
– il l’inscrit plastiquement dans un clair-obscur qui met en valeur sa parole d’enfant-lumière face aux adultes plongés dans une lumière diffuse. Cette brèche lumineuse le met en scène comme le témoin / intercesseur de la vérité sur sa nature véritable.
L’annonce d’Alton
L’enfant propose aux adultes sans voix de s’asseoir pour leur expliquer la situation. Le contrechamp travaille la gamme chromatique comme dans le reste du film, opposant les teintes chaudes et dorées aux bleus froids. Le cadre organise ainsi une structure ternaire, avec Lucas à gauche dans la partie terrestre jaune, la mère en bleu (couleur associée à Marie), et le père, dans la salle de bain bleu vert dans la profondeur du champ : un espace distinct exprimant la conscience mélancolique et l’acceptation du départ programmé de son fils.
Alton inverse les rôles en expliquant sa nature extra-terrestre avec assurance aux adultes à l’aide de gestes et de démonstrations visuelles. Alton découvre son corps (en maîtrisant ses pouvoirs), en même temps que sa véritable filiation en annonçant « je crois qu’ils sont comme moi » : la lumière courant de sa main le long de son poignet lorsqu’il soulève sa manche est à cet égard révélatrice.
La famille réunie : jeux de regards
Roy prend la parole pour affirmer les liens qui l’unissent à son fils. La caméra cadre Roy, puis Alton à sa hauteur. Le contrechamp épouse le point de vue de l’enfant et montre la mère qui se tourne vers le père en arrière-plan. La relation entre les trois passe par la variation de la mise au point, qui se fait d’abord sur la mère puis sur le père, et enfin dans l’autre sens, pour revenir à Alton. La famille est ici connectée par la mise en scène, dépendante du point de vue d’Alton, rappelant ainsi son statut « d’élu ».
Lucas ne dit rien et se trouve isolé dans le cadre, jusqu’à ce que le garçon l’interpelle, et qu’il affirme « croire en lui ». Cette conversion de Lucas est d’autant plus significative qu’elle contredit le scepticisme affiché par le personnage dans la séquence précédente de dialogue avec Sarah : « Croire, ça n’empêche pas de mourir ».
La dernière image de cette séquence témoigne donc à la fois de la recomposition de la famille, réunie dans la conviction du destin messianique d’Alton et de la conscience douloureuse d’une séparation à la fois prochaine et inéluctable.