– La séquence est construite en montage alterné entre les parcours simultanés d’Alton et Roy. Relever les éléments de contrastes des deux actions dramatiques.
– Quelles sont les caractéristiques remarquables de la civilisation extra-terrestre ?
Montage alterné : contrastes et correspondances
Le montage alterné qui organise l’ensemble de la séquence permet de mettre en scène deux actions distinctes, mais simultanées dans un souci de dramatisation du double parcours de Roy et d’Alton dans un jeu de contrastes et de correspondances.
Dès les premiers plans, les bruits furtifs de la fuite dans les bois accompagnent la course d’Alton et de sa mère, en opposition avec le rugissement de la voiture de Roy dérapant sur le gravier dans une course éperdue. Le montage alterné met en parallèle les deux fuites, dont l’une est reliée à la Nature, et l’autre à la Technique.
La fuite de Roy : un spectateur embarqué
Le montage rapide de gros plans sur les visages tendus de Roy et Lucas participe à la tension dramatique dans une démarche de mise en scène empathique. Placé dans la voiture, au plus près des deux hommes, le spectateur fait corps avec eux et partage leur angoisse. Le spectateur est même impliqué dans la fuite : suite à une réaction shot de Roy montrant les poursuivants, c’est le point de vue d’un compagnon virtuel, situé sur le siège arrière, qui montre l’hélicoptère au travers du pare-brise.
L’arrivée d’Alton
La mise en scène distanciée de l’arrivée d’Alton au point de rendez-vous contraste avec la fuite de Roy et Lucas. La caméra, comme au début de la séquence, attend Alton et Sarah depuis la lisière de la zone de rencontre, à la limite qu’un humain peut franchir, là où la mère va s’arrêter, pour observer son fils, courir seul à travers champs en plan d’ensemble.
Un travelling circulaire autour d’Alton permet de comprendre qu’il est parvenu au but. Ce mouvement de caméra est accompagné d’une musique de synthétiseur qui vient rompre l’ambiance naturaliste précédente (bruits de l’eau, du souffle…). Il délimite le territoire d’Alton en laissant Sarah à distance de la révélation à venir, dans le flou de l’arrière-plan. La musique et le léger panoramique circulaire sur les champs de blé en plan subjectif indiquent qu’Alton est dans l’attente de l’apparition de son monde mystérieux.
Le climax : la réunification
À partir du moment où Alton utilise ses pouvoirs, les différents espaces de la séquence vont se rejoindre, tout d’abord grâce au travail du son. La musique de David Wingo , marquée par une scansion de basse dramatique, unifie les deux espaces montrés en montage alterné, tout en conservant leurs caractéristiques de départ :
– le rapport à la nature pour l’un : le vent qui se lève, la fuite des oiseaux, l’ouverture du sol ;
– la technologie défaillante pour l’autre : le bruit de la tôle froissée, les jantes produisant des étincelles, l’extinction du moteur.
Le souffle de l’explosion déclenchée par Alton se répercute sur les deux espaces et prend une ampleur mondiale exposée par une image de satellite. La forme de halo circulaire et translucide de cette explosion convoque deux significations opposées : son mode d’expansion et sa forme circulaire évoquent une bombe atomique, mais aussi un dôme translucide et protecteur s’étendant sur le monde. La fin de la séquence conforte l’interprétation d’une bombe inversée, imposant une révolution écologique.
Une ère nouvelle
Le retour au calme est signifié par un plan presque abstrait sur des tiges de plante nimbées de lumière ondulant sous le vent. Ces tiges se détachent sur un fond obscur flouté par la faible profondeur de champ. La répétition de ce plan sur les plantes, déjà montré en correspondance avec l’inspiration d’Alton précédent l’explosion, leur confère une dimension métaphorique : c’est l’esprit de la Nature qui s’exprime ici de manière symbolique et sensible au niveau du microcosme après avoir envahi le macrocosme de manière spectaculaire.
Sarah a été projetée au sol par le souffle. Elle se relève, filmée en légère plongée, pour montrer son visage à la fois heureux et subjugué. Le spectateur, épousant son point de vue, découvre en contrechamp une ville extra-terrestre, au milieu du champ. Le temps semble suspendu, comme la course poursuite qui s’épuise pour laisser place à la promenade contemplative de Roy et Lucas sur une route menant à un portique monumental bordée de structures architecturales extra-terrestres avant l’accident de la voiture.
Hybridation
La bulle visible sur l’image satellite délimite un territoire élu au sud des États-Unis, au sein duquel les monuments extra-terrestres apparaissent en contrepoint d’institutions emblématiques de la société capitaliste : l’exploitation énergétique (la plate-forme pétrolière) , la grande distribution (le supermarché) et la haute finance (les buildings). Imbriquant ville et campagne, nature et technologie avancée, la civilisation extra-terrestre mêle aussi le mécanique et l’animal : un godzilla pacifique apparaît dans le reflet des vitres d’un building dans une mystérieuse harmonie. Dans la musique se fondent alors des bruits oscillants entre grincements métalliques et grognements animaux, accompagnant ainsi l’hybridation générale.
La figure du montage alterné permet ici de construire l’image unanimiste d’une humanité réunie dans la contemplation d’une utopie harmonieuse.
L’accident de voiture, qui termine sa course sur le toit après plusieurs tonneaux, souligne le caractère désormais dérisoire et quasi burlesque de la poursuite dans un plan qui clôt la chasse à l’homme initiée au début du film. Roy et Lucas sont allés au bout de leur cheminement chaotique, d’un parcours intime et spectaculaire évoquant l’éthique de la responsabilité parentale et une imagerie du merveilleux inscrite dans le cinéma des années 80.