Interpréter les motifs métaphoriques de la vague, du crabe, de la bouteille et de la tortue dans la séquence.
Naissance
La vague qui vient caresser la plage annonce une naissance. Mais contrairement au début, ce n’est pas un bébé tortue mais un crabe qui sort de son trou et évolue en spirale autour de lui. L’enfant entre dans le cadre à quatre pattes, poursuit le crabe et l’avale tout cru. Ici, la frontière du réalisme est franchie : enfant et crabe relèvent d’un registre d’animation plus humoristique, plus « cartoon ». Le petit garçon recrache sa proie, sort du cadre par le bord opposé d’où surgit un oiseau de mer qui emporte le crabe dans son bec. Dans ce plan fixe, l’action se déploie comme un dessin tracé sur le sable, une écriture chorégraphique rigoureuse qui fait danser ensemble, sur un ton léger, la vie et la mort.
La bouteille
L’homme, la femme et l’enfant marchent sur la plage au soleil couchant. Figure de Trinité, image de sérénité. Puis l’enfant court en spirale sur le sable, comme le crabe avant lui, sur ses deux jambes cette fois. Son pas est sautillant. La caméra en plongée le suit rejoindre ses parents occupés à tanner une peau, avant que son attention ne soit attirée au bout de la plage par une forme, comme son père naufragé l’avait été avant lui par un monceau d’algues de forme humaine.
La mer apporte une bouteille, vide comme le tonneau. Vient-elle du naufrage ? Rien ne le dit. L’enfant, qui a peur de la vague, parvient à s’en saisir et la tend à sa mère comme une question. La mère y répond à sa façon, produisant un son en la débouchant. Puis le père vient apporter sa réponse en traçant dans le sable mouillé un dessin. Il représente l’île par un demi-cercle concave, et dessus leurs trois silhouettes. Puis, plus loin, une autre terre, plus vaste, peuplée d’humains et d’animaux plus nombreux. La femme rajoute le dessin d’une tortue dans l’espace vide entre les deux.
Tout est dit dans ce dessin. Le renoncement de l’homme au langage verbal, sa compréhension nouvelle de l’existence où humains et animaux appartiennent au même monde ; la tortue, quant à elle, est dessinée sur un autre plan, dans un espace indéterminé, le ciel ou la mer, ou tout simplement l’infini. La mer, dans un fondu enchainé, vient effacer le dessin. Cette fois-ci, l’enfant affronte les vaguelettes. Il regarde au loin, entre ses parents qui lui tiennent la main comme sur le dessin, l’aidant dans ses premiers pas vers l’horizon.
La bouteille ne contient pas de message. Elle est le message. C’est à travers elle que l’enfant, devenu adulte, fixera l’horizon, donnant une représentation à son désir profond : partir.
Sous l’eau
Temps nuageux clair. Dans le ciel, les oiseaux s’agitent comme une prémonition du drame. Les parents et l’enfant cueillent des herbes sur la falaise. Là où l’homme avait vu le tonneau, l’enfant aperçoit une tortue. Vue d’en haut, sa silhouette correspond au dessin tracé sur le sable par sa mère. Il tombe à son tour dans le trou d’eau. Il crie, car lui a quelqu’un à appeler au secours. Mais sa mère retient son père : elle connaît la valeur de l’épreuve. L’enfant, en effet, découvre vite sa facilité à évoluer sous l’eau. S’engageant dans le même passage sous-marin que son père, il en ressort bien plus facilement, non seulement parce qu’il est plus petit mais surtout parce qu’il a pris conscience de sa double nature, humaine et animale. Il prend confiance, renaît, en quelque sorte, à lui-même.
Il rencontre la tortue sous l’eau, comme son père avait rencontré sa mère et la rencontre tourne aussitôt en ballet. La sérénité de cette rencontre s’oppose à la peur et à la violence qui avaient envahi son père dans les mêmes circonstances. On peut aussi faire l’hypothèse que la double nature de l’enfant est la métaphore de la part de masculinité et de féminité en chacun de nous.
La mer, qui lui faisait peur, est maintenant son élément. Rien ne peut dorénavant l’empêcher de partir. Sa mère le sait qui le garde entre ses bras, tandis que la nuit tombe sur la plage. Elle sait, et nous savons avec elle pour l’avoir déjà vu, que le destin des jeunes tortues est de prendre la mer. Comme la vague avait « apporté » l’enfant sur la plage, elle l’emportera.