L’héroïsme d’Arnaud
Cette séquence valide le rééquilibrage de la relation entre Madeleine et Arnaud depuis l’entrée dans la forêt. D’amoureux transi en butte à d’incessantes rebuffades, celui-ci est devenu un partenaire dans l’opération de survie souhaitée par Madeleine. La séquence manifeste le sang-froid et l’endurance du personnage dans son entreprise de sauvetage par des plans longs en caméra portée rythmés par ses halètements de fatigue.
On remarquera l’ironie de ce renversement des rôles :
– Madeleine est impuissante dans une situation critique à laquelle elle se préparait. Son intoxication résulte de son éthique spartiate : elle a consommé le renard immangeable avec enthousiasme dans une volonté d’endurcissement qui s’avère contre-productive ;
– Arnaud se voit investi du rôle de sauveur, voire de chevalier servant, comme l’évoque la manière dont il prend Madeleine dans ses bras et le soin fervent avec lequel il l’allonge sur le trottoir.
Ce renversement peut certes être interprété comme un retour à la situation stéréotypé du héros volant au secours de la jeune femme en danger mais, de manière plus pertinente, comme le triomphe d’une éthique de la solidarité sur l’individualisme prôné par Madeleine. À cet égard, cet épisode cimente le couple, conçu comme un « collectif » qui fait ici « l’épreuve du feu ».
Les codes du fantastique : l’arrivée au village
Cette séquence est traitée sur un mode fantastique qui confère une dimension apocalyptique à la propagation de l’incendie de forêt :
– le village déserté de ses habitants pour une raison inconnue est un topos du genre, transformant le héros en survivant d’une catastrophe surnaturelle (le film de zombies l’utilise de manière régulière) ;
– la musique électronique contribue au sentiment de danger sous la forme de nappes de sons synthétiques inquiétantes et immersives ;
– le recours au hors-champ : les étranges flocons annonciateurs, le long regard paniqué sur un espace menaçant ;
– la révélation soudaine de la catastrophe par le passage du gros plan sur le regard au plan général manifeste la disproportion entre le déploiement d’une colonne de fumée gigantesque et l’immobilité d’un personnage en proie à la stupeur.
Les codes du fantastique : face à l’incendie
– la bande-son superpose bruits dissonants, boucles sonores et la respiration difficile d’Arnaud ;
– la nappe de fumée enveloppe les personnage de manière rapide et silencieuse, évoquant la progression surnaturelle d’une force occulte plongeant le monde dans la nuit ;
– les lumières apparaissant dans l’obscurité, les silhouettes anthropomorphes avançant à contre-jour et au ralenti sur un son de respiration de scaphandre évoquent une rencontre extra-terrestre ;
– le dernier plan : deux silhouettes noires en amorce encadrent l’aveuglante lumière blanche centrale. Ce plan joue sur le double registre de la mort imminente et de l’accès à un monde surnaturel avant le lent fondu au noir signifiant la perte de conscience.