Dans l’attente
La première séquence du film est précédée d’un court générique mêlant les notes de piano et d’Oud , instrument oriental à cordes. Cette musique originale, par son métissage d’instruments, annonce l’identité plurielle (entre France et Algérie) qui caractérise la famille de Fatima.
Le premier plan est une légère plongée sur Fatima et Nesrine. Fatima est en position de supériorité par rapport à sa fille, faisant ainsi office de figure tutélaire, mais la mise au point est focalisée sur le personnage de Nesrine, dont on comprend qu’elle va être le centre de la séquence. Fatima porte le foulard, alors que sa fille a les cheveux et le cou apparents, et porte un collier. Ces marques vestimentaires viennent nous renseigner sur le rapport que chacune entretient avec la culture musulmane : Fatima s’y identifie clairement, lorsque Nesrine semble en être plus détachée. Le silence qui règne dans la cage d’escaliers vient appuyer le côté pesant de l’attente. Ce plan est symbolique sur le plan des discriminations sociales : les personnages sont assignés aux marges de la société française dont l’accession est particulièrement difficile.
Écart de générations
Nesrine lève la tête, et demande à sa mère ce qu’elle pense du quartier. Fatima répond qu’elle ne l’aime pas trop, avec le bar dans la rue et cet immeuble sombre. Nesrine balaie sa remarque d’une réplique désapprobatrice. Ce court échange permet de marquer l’écart de perception qui existe entre la mère et sa fille, marquant ainsi un léger conflit générationnel. Nesrine semble tout simplement plus inscrite dans l’environnement où elle vit que Fatima. Cette impression est confirmée par le fait que Nesrine s’exprime en français, et sa mère en arabe. Cet échange nous permet également de mesurer que chacune comprend l’autre dans sa langue, figurant ainsi cette identité plurielle qui s’est construite chez les personnages. Cette thématique du contraste culturel et générationnel sera développée dans les rapports familiaux de Fatima, Nesrine, Souad et du père et dans l’évocation des pressions communautaires.
Discrimination
Lorsque la propriétaire arrive enfin, elle passe devant Fatima et Nesrine, en faisant mine de les ignorer. Elle se hisse sur le palier et entame la conversation avec les deux colocataires. Fatima et Nesrine sont exclues de l’échange, elle ne figurent même pas dans le plan, et la propriétaire leur tourne le dos. La géographie de la scène (Fatima et Nesrine dans les escaliers, la propriétaire et les colocataires sur le palier) témoigne de l’inégalité de traitement dont elle font l’objet.
La composition de l’image souligne le blocage exprimé dans le dialogue : la propriétaire est encadrée par les deux filles, et se trouve dans une position défensive, littéralement « dos au mur ». Le refus de la visite repose sur un prétexte dont le caractère mensonger est souligné par les deux contrechamps sur Fatima et Nesrine, désignées par la caméra comme la cause implicite des excuses embarrassées de la propriétaire. Cette alternance des plans sur le discours de la propriétaire inscrit la séquence dans le registre de la dénonciation du racisme ordinaire.
Une recherche compliquée
Une coupe nette dans le montage, où l’on retrouve les quatre personnages marchant dans la rue, vient figurer, par la violence de l’ellipse, à quel point cette situation est vécue comme une agression. Fatima, au centre du cadre, est présentée comme la victime principale de ce racisme sous-jacent, qu’elle identifie clairement comme étant dû au port de son foulard. Cette réplique nous permet de comprendre que ce genre de situation lui est coutumière. L’agitation qui gagne les personnages suite à ce refus est amplifiée par l’utilisation d’un travelling arrière, premier (et rare) plan en mouvement du film.