Un cri du cœur
La séquence démarre par un plan sur le médecin, silencieux et circonspect, qui examine les radios du bras de Fatima. Il lui annonce qu’il ne peut plus rien faire pour prolonger son arrêt de travail. Un plan rapproché sur son visage nous montre des cernes marquées, elle semble très fatiguée. Ce long plan met en avant la capacité de partage et de persuasion que Fatima a gagnée au cours du récit. De plus, elle s’exprime en français tout au long de ce monologue et semble déterminée, malgré la fatigue, à faire entendre sa voix et prendre en compte sa douleur.
Dans le dédale médical
Après une séquence mettant en scène Nesrine et son petit ami, nous retrouvons Fatima dans un couloir d’hôpital. Ce couloir est une sorte de tunnel, qui représente l’enfermement de Fatima au sein de son parcours médical labyrinthique. Le travelling arrière sur sa démarche décidée exprime la détermination du personnage.
L’affirmation
Dans le plan suivant, le médecin du travail est cadré de dos, en amorce dans la partie gauche du cadre, avec Fatima face à lui. L’absence de contrechamp sur le médecin cantonné à un premier plan flou, le définit comme un interlocuteur anonyme. Ce court plan elliptique, laissant la plus grande place au visage de Fatima, définit une étape dans le parcours du personnage, dont la capacité à se faire entendre s’impose progressivement : le médecin l’adresse à une de ses collègues qui parle l’arabe.
Sur la voie de la compréhension
La docteur Mebarki, dans un long plan, prend le temps d’examiner le dossier de Fatima. Elle le lit avec une minutie, qui contraste le caractère rapide des deux consultations précédentes.Dans le plan suivant, Fatima est face au docteur, qui lui demande de raconter l’histoire de sa chute et de sa douleur. La docteur Mebarki s’adresse à Fatima en français, tout en utilisant quelques mots d’arabe, ce qui renforce la proximité entre les deux personnages féminins. Ce plan dure assez longtemps (plus d’une minute), où Fatima peut prendre le temps de raconter des émotions très intimes, comme ses cauchemars et ses angoisses. Elle trouve ici enfin un espace d’apaisement, appuyé par l’agréable coloris jaune des murs qui tranche avec le blanc froid habituel des hôpitaux. C’est également un endroit où elle n’est pas astreinte à parler français pour se faire comprendre et partager son ressenti.
Confidences
On comprend qu’il y a eu une ellipse, car Fatima parle maintenant de sujets encore plus personnels, sur le rapport à la langue, à la société française et à ses enfants. Le cabinet s’est transformé en véritable confessionnal, impression que la lumière tamisée qui filtre à travers les stores vient amplifier. Fatima formule ici un regard rétrospectif sur ce qu’elle a vécu, et qui semble aussi très distancié par rapport à l’environnement dans lequel elle vit. Par le dialogue, le spectateur est invité à prendre la mesure de l’importance du cheminement intellectuel parcouru par le personnage. Toute la fin de cette séquence alterne entre un plan de profil sur le visage de Fatima, et un autre sur ses mains, afin de mettre la parole et le langage du corps sur un pied d’égalité, et offrir ainsi une pleine reconnaissance du personnage, qui réussit à se faire comprendre dans toute sa complexité.