Les codes du film d’aventure
Les codes du film d’épouvante et du thriller sont convoqués pour mettre en scène la main clandestine tentant d’échapper au double piège de la poubelle et de la benne à ordures :
– la main se réveille brusquement et fait son apparition tel un zombie surgissant d’une tombe.
– la lumière rouge qui baigne l’intérieur de la poubelle suscite une atmosphère de danger imminent relevant du registre fantastique.
– les plans subjectifs qui balayent l’espace et révèlent la présence hostile des éboueurs dramatisent la poubelle comme un piège sans issue.
– la musique de synthétiseur et les bruitages contribuent au suspense, en accentuant les chocs de la poubelle ou le son mécanique de la broyeuse s’abaissant inexorablement.
– la canette broyée et le cadavre du pigeon parmi les ordures constituent autant de signes funestes.
Le montage rapide de plans serrés sur la main, prisonnière d’une mécanique infernale, transfigure ainsi une scène banale de ramassage d’ordure en un épisode spectaculaire de film d’aventure.
La boîte de raviolis
La main se dissimule sous une boite de conserve qui l’associe de manière saugrenue à une Bernard l’Hermite. Ce déguisement protecteur destiné à la dissimuler attire au contraire les regards par sa vive couleur rouge. Il témoigne de l’inventivité du personnage de la main dans la poursuite de son aventure.
De manière plus souterraine, le choix d’une boîte de raviolis concourt de manière ironique à la mise en parallèle des parcours de la main et de Naoufel, qui livre des pizzas à bord de son scooter rouge, avec un casque portant les couleurs du drapeau italien. Cet accessoire participe donc à conforter l’association des deux périples : la main sur le mode du rocambolesque et de l’insolite, Naoufel sur le mode de la chronique réaliste des frustrations quotidiennes. Dans cette perspective, on remarque que la station de la main sur le bord de la benne en marche avant de se jeter sur la route puis sa collision avec le skate-board annoncent les situations similaires vécues par Naoufel dans la suite du film.
La ville comme espace hostile
Le quotidien urbain ordinaire et maussade du petit matin est représenté comme un espace dangereux et rempli d’obstacles. Sous la dérisoire protection de son armure de fortune, la main est confrontée à un environnement rendu hostile par sa petite taille : la ville nocturne est peuplée de figures furtives qui constituent autant de menaces virtuelles ou réelles (le skate, l’homme ivre). De nombreux cadrages insolites témoignent de la démultiplication des distances pour le minuscule céphalopode cherchant à se fondre dans l’environnement : plan subjectif sur la bouche de métro dans la profondeur lointaine du champ, plongée verticale en plan général sur le bout de rue ou encore vue des couloirs déformés par le prisme d’un miroir de sécurité.
Dans la bouche de métro : escalator et attaque de rats
L’escalator sur lequel s’aventure la main, se tranforme en manège de fête foraine destructeur, l’envoyant brinqueballer au risque de la dislocation. Le découpage proposé par Clapin souligne la violence de l’épreuve au cours de cette nouvelle chute rocambolesque soutenue par un montage rapide et une musique lancinante.
Après les êtres humains et les machines, la main se confronte à un nouveau type d’opposants : les rats. Le plan en plongée verticale souligne l’étau qui se resserre sur la main, projetée dans l’infra-monde des rongeurs. La mise en scène rappelle, une nouvelle fois, les films d’action par le traitement spectaculaire de l’affrontement avec les rats. Plans très serrés, montage rapide, accentuation des bruits (couinement des rats), « prise de mains », morsures… Le recours à un briquet en guise de torche protectrice évoque Indiana Jones confronté aux serpents dans Indiana Jones et l’arche perdue, par une transposition du registre de l’aventure exotique au fantastique urbain.