Présentation

Après avoir été kidnappé par les membres de la secte du Ranch, Alton a été récupéré par le gouvernement américain qui voit en lui un danger pour le pays. Un interrogatoire sous haute sécurité est donc organisé.

Activité

– En quoi la scène désigne-t-elle Alton comme une menace contre l’Etat?
– Comment prend-il le contrôle de la situation ?



Alton : une menace contre l’État

L’invasion d’uniformes dans le cadre (bottes militaires, treillis, uniformes sombres), les individus alignés dans un couloir à la lumière froide scandé de bruits de pas indiquent d’emblée une situation d’urgence militaire. Cette situation d’alerte gouvernementale est signifiée de manière classique par un gros plan d’attaque sur les pieds d’individus indifférenciés : la machine étatique est en marche.

Le dispositif paranoïaque de l’interrogatoire déshumanise Alton et le met en scène comme une menace indéterminée :
– il est enfermé seul dans une immense pièce blanche et sans perspective : un espace abstrait et comme immatériel. Le garçon est séparé par une vitre de la pièce d’interrogatoire où s’amoncèlent les agents gouvernementaux dans un effet de disproportion à caractère comique ;
– la perspective adoptée est celle des agents, disposés en amorce du cadre comme des spectateurs de cinéma face à cet immense écran blanc. Alton n’est perçu que par les multiples écrans de surveillance et demeure flou dans la profondeur de champ ;
– l’attitude mutique du garçon, son immobilité et ses insolites lunettes de plongée bleues suscitent un effet d’inquiétante étrangeté.

Cette séquence témoigne à cet égard du propos global d’un film exposant les différents regards posés sur l’enfant : menace potentielle dans cet extrait, sauveur providentiel (la secte millénariste) ou attachement affectif (les parents).


Les pouvoirs d’Alton : un plan symbolique

Le contrechamp depuis la pièce blanche annonce le renversement du rapport de force en faveur d’Alton grâce à ses pouvoirs surnaturels. Le garçon est désormais filmé en amorce fermant le cadre par sa présence massive face au groupe de militaires surcadrés par la vitre. Le reflet d’Alton au-dessus des agents militaires symbolise le pouvoir surnaturel de télékinésie et d’ubiquité qui sera illustré dans la suite de la séquence. Ce reflet, placé au centre de la vitre est accompagné de deux effets lumineux :
– un faisceau dirigé vers le bas comme annonçant la prise de pouvoir du garçon sur l’assemblée qui lui fait face ;
– une courte bande de lumière horizontale qui émerge de son visage exprimant son aptitude à plonger les gens dans un état de vision extatique.

La composition du plan témoigne donc de la capacité de cet enfant solitaire et fragile à contrôler mystérieusement la situation. On remarquera à cet égard que si la fin du film bascule dans la science-fiction, le traitement des pouvoirs d’Alton participe pleinement de procédés relevant du genre fantastique.




Paul : un interlocuteur d’élection

L’impossible communication entre la psychologue « médiatrice » et Alton est mise en scène de manière efficace (gros plan sur son visage désarmé, absence de contrechamp sur le garçon à ses questions) : elle s’adresse à un interlocuteur virtuel (gros plan sur Alton à l’écran) au sein d’un dispositif coercitif de micros et de caméra de surveillance.

Alton prend alors le pouvoir sur l’interrogatoire en désignant Paul Sevier comme son interlocuteur par des propos lapidaires et une voix détimbrée, au grand étonnement de l’assemblée. Paul Sevier, grand post-adolescent dégingandé à la tenue informelle, avait été introduit dès le début de la séquence en jouant sur le contraste physique avec les autres agents, et son intérêt pour Alton avait été souligné par son regard attentif sur le petit garçon. Au même titre qu’Alton, Paul Sevier est un garçon singulier que ses compétences en technologie de la communication ont porté au sein de la NSA (Agence de Sécurité nationale).

Lorsque Paul prend la parole, sa question est désormais audible dans la salle d’Alton, et la déshumanisation du petit garçon (par la multiplication des écrans), s’efface au profit d’un dialogue désormais possible.


La rencontre

Dans ces quelques plans, Alton fait la démonstration de ses dons surnaturels par un effet de mise en scène à caractère symbolique. Il manipule sa représentation sur l’écran : debout derrière la vitre, il demeure assis sur le moniteur. On peut interpréter cette disjonction entre l’image et la réalité à la fois comme une manifestation de la maîtrise surnaturelle d’Alton sur les ondes (lumineuses et magnétique) mais aussi comme l’expression métaphorique de son destin au sein du film : Alton ne correspond pas l’image que les protagonistes projettent sur lui.

L’apparition d’une musique de synthétiseur planante et mystérieuse coïncide avec la manifestation des pouvoirs d’Alton et annonce l’entrée de Paul dans « un autre monde ».




Rencontre du 3ème type

En plan moyen, permettant à la fois de les confronter et de les associer, Paul et Alton semblent flotter dans l’espace blanc, séparés par une machine de surveillance mobile, qui n’est pas sans évoquer les rover caméras de la NASA destinées à l’exploration de Mars.

Les champs- contrechamps qui scandent le dialogue isolent Alton dans un monde sans repères, alors que Paul est placé dans un univers d’objets reconnaissables. Tout en les individualisant, ces champs-contrechamp montrent aussi les ressemblances entre les deux garçons, bruns, à lunettes, à l’allure plus juvénile que leur âge annoncé. Le nom français de l’agent Sevier est une référence à Claude Lacombe, le savant interprété par François Truffaut dans Rencontres du 3ème type, et le choix du prénom Paul, dans le contexte d’un film qui aborde la problématique de la croyance, peut aussi évoquer Saint Paul est sa conversion sur le chemin de Damas, illustrée par de nombreux peintres (Fra Angelico, Le Caravage, Blake…). À cet égard, la phrase d’Alton, « j’appartiens à un autre monde » est une référence christique qui témoigne de son statut d’annonciateur d’une ère nouvelle, d’une révolution verte dévoilée à la fin du film.

Toujours accompagnée de nappes de sons allant crescendo (en volume et en rythme), la séquence se termine par un plan montrant l’image démultipliée d’Alton, comme expression de sa puissance surnaturelle, pendant que s’accomplit hors champ la conversion de Paul.