La comédie sophistiquée | Haute Pègre d’Ernst Lubitsch (1932)
Ernst Lubitsch, chef de file de la « comédie sophistiquée » représente une influence majeure pour Pierre Salvadori. Dans les années 30 et 40, la comédie américaine connaît un renouveau qui s’appuie sur un bouleversement à la fois technique – généralisation du film parlant – et sociologique – une aspiration à sortir de la grande Dépression, qui a motivé la politique du New Deal lancée par Roosevelt en 1933. La « comédie sophistiquée » se définit par ses personnages affabulateurs, la vivacité de dialogues jouant sur les sous-entendus et une combinatoire savante de motifs récurrents qui sollicitent l’intelligence du spectateur. Modèle du genre, Haute Pègre présente de nombreux éléments qui ont inspiré l’écriture d’En Liberté !
Du point de vue thématique, le film présente des personnages menteurs aux identités masquées, dont les duperies rythment le récit. Tout comme Louise qui a soif d’action, Lilly est subjuguée par le voleur Gaston Monescu : ses mensonges et ses manipulations sont des moteurs de la fiction, des promesses d’aventures suscitant l’excitation d’une vie alternative au morne quotidien.
Du point de vue dramatique, le comique de Lubitsch recourt à la fausse piste et au retournement de situation en jouant avec les attentes du spectateur. Le dîner galant se transforme ainsi en une compétition de « détroussage » et de duplicité qui alimente l’estime réciproque des deux voleurs virtuoses. Le comique de la séquence réside ainsi dans le développement d’une situation qui installe la qualité de la tromperie comme catalyseur du désir. D’une manière analogue, le meurtre annoncé par le son du violon, le tomber de rideau et la fermeture de la porte… se résout en un secouement loufoque visant à récupérer un portefeuille, dans un effet de surprise à caractère ludique.
L’influence du cinéma de Lubitsch sur l’écriture de Salvadori dans En Liberté ! se manifeste certes dans le jeu sur les faux semblants et les dialogues à double entente (scènes de l’aveu du meurtrier de masse ou de la déclaration d’amour avortée), mais surtout dans une écriture pleine de finesse jouant sur le déploiement de variations comiques au sein de situations improbables.
La screwball comedy | L’Impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks (1938)
Pierre Salvadori emprunte à la screwball comedy sa structure trépidante fondée sur une succession de situations rocambolesques. La « comédie loufoque » repose en effet sur l’enchaînement de scènes cocasses mêlant quiproquos et maladresses des personnages, selon un rythme frénétique. La structure d’En liberté ! s’inspire de cette dramaturgie par la mise en scène de personnages s’entraînant mutuellement dans des situations grotesques. Le paroxysme de cette logique dramatique est constitué par la scène du casse de bijouterie associant une femme flic à un ancien détenu, pour une scène de révélation publique en tenue sadomasochiste.
Les deux films jouent sur le thème de la recherche d’une vie aventureuse. David (Cary Grant) comme Louise sont en effet enfermés dans leurs vies ennuyeuses, avant que Susan (Katherine Hepburn) et Antoine y introduisent désordre et fantaisie, mais aussi l’excitation d’une aventure trépidante. À la fois victimes et volontaires, les personnages de la screwball comedy et des films de Pierre Salvadori connaissent un voyage intérieur à travers un enchaînement de situations libératrices du carcan des convenances et des protocoles sociaux.