Définitions

Le montage assure l’assemblage des plans en séquences, qui constituent les unités dramatiques du film :
– la scène dont la durée correspond au temps de l’action. Dans le plan-séquence, toute l’action est filmée en un seul plan.
– le montage alterné : plusieurs actions simultanées sont montrées en alternance à des fins dramatiques.
– le montage parallèle : alternance de plans sur plusieurs actions distinctes à des fins de comparaison.
– la séquence par épisodes : succession de plans évoquant l’évolution d’une situation.
Le flash-back instaure un retour en arrière vers des événements antérieurs de l’histoire.

1. Le plan-séquence

Le plan-séquence représente une figure cinématographique remarquable : il consiste à filmer en continuité l’ensemble d’une scène. En excluant toute ellipse, il assure donc la correspondance parfaite entre la durée de l’action et du récit dans la représentation d’un « épisode » qui aurait fait l’objet d’un découpage dans une séquence ordinaire.


L’Aurore (Friedrich Wilhelm Murnau, 1927)

La séquence proposée est extraite de L’Aurore de Murnau (1927), dont l’intrigue repose sur la fascination exercée par une citadine séductrice sur un fermier qui quitte sa famille pour la retrouver dans les marais.

La caméra suit le parcours sinueux du paysan par des mouvements complexes, avant de poursuivre son déplacement de manière autonome pour montrer, en traversant les feuillages, la femme qui l’attend au clair de lune.

Le recours au plan-séquence a pour principale fonction de conférer un caractère symbolique au parcours du paysan :
– la succession d’obstacles traversés (pont, branche, barrière) représente l’égarement moral du personnage quittant le « bon chemin »
– la continuité du filmage constitue une métaphore de la puissante attraction exercée par la femme sur le paysan, qu’aucune coupe ne vient suspendre : le paysan ne disparaît provisoirement dans le hors-champ que pour mieux retrouver sa maîtresse.

2. Le montage alterné

Le montage alterné fait se succéder plusieurs actions qui se déroulent simultanément dans des lieux différents et qui sont destinées à converger dans un même espace. Cette figure est utilisée à des fins dramatiques afin de mettre en relations deux actions dont le lien peut avoir été déjà explicité (comme dans les scènes de poursuite) ou qui le sera par la suite (représentation alternée de personnage destinés à se rencontrer).


M le maudit (Fritz Lang, 1931)

Dans la première séquence du film M le maudit, une mère attend le retour de l’école de sa fille après avoir évoqué avec sa voisine le meurtrier d’enfants qui sème la peur dans la ville.

Le court extrait proposé met en scène l’attente de la mère et la rencontre de la fille avec le meurtrier selon une stricte alternance entre les deux personnages :
– les plans sur la mère témoignent de son attente du retour de sa fille : regard vers l’horloge, soin apporté au repas et à la préparation du couvert
– les plans sur la fille insistent sur sa vulnérabilité au sein de la grande ville bruyante : bruits de klaxons, traversée dangereuse de la rue et parcours solitaire avant la rencontre avec un mystérieux personnage hors-champs que l’affiche désigne comme le meurtrier.

La concomitance des deux actions est soulignée par le raccord sonore entre le coucou de l’horloge et la sonnerie de l’école au sein d’un montage alterné dont la fonction dramatique est construite sur le suspense concernant le danger encouru par la petite fille.

3. Le montage parallèle

Le montage parallèle consiste à monter en alternance deux ou plusieurs actions sans lien chronologique : il a une fonction de comparaison d’ordre métaphorique. Les premiers films muets, le cinéma soviétique des années 20 ou la production publicitaire en offrent de nombreux exemples. Ce mode de montage est cependant fréquemment associé au montage alterné pour créer des effets de sens d’ordre symbolique entre des actions sans rapport temporel fortement marqué.



Certains l’aiment chaud (Billy Wilder, 1959)

Certains l’aiment chaud en offre un intéressant exemple dans la séquence de double séduction impliquant les personnages principaux sur le mode du travestissement :
– Joe, déguisé en riche héritier, se prétend impuissant et met la belle Sugar au défi de réveiller sa libido
– Jerry, travesti en femme pour échapper à la mafia, est entraîné dans un tango endiablé par le vieil Osgood.

Les deux actions se déroulent durant la même nuit et le lien temporel est souligné par le recours au panoramique filé*, effet de transition qui marque le passage d’un personnage à l’autre dans une logique de montage alterné. Cependant l’enjeu de la séquence repose moins sur la concomitance des deux actions que sur l’effet de contraste et de parallélisme qui témoigne de la montée du désir chez les personnages :
– dans le registre de la sensualité et de l’allusion grivoise pour Joe et Sugar
– dans le registre bouffon de l’inversion carnavalesque des rôles genrés pour Jerry et Osgood.

La puissance comique de la séquence réside donc essentiellement sur une logique de montage parallèle organisant la comparaison entre les deux actions.
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Panoramique filé* : le panoramique filé est un panoramique très rapide utilisé pour enchaîner deux décors différents. La vitesse du mouvement crée un effet de flou empêchant la perception de l’espace intermédiaire.

4. Le flash-back et la séquence par épisodes

Assez répandue dans le cinéma classique, la séquence par épisodes désigne une succession de saynètes présentant l’évolution d’une situation : les ellipses sont soulignées par des effets optique tel que le fondu enchaîné.


Citizen Kane (Orson Welles, 1941)

L’exemple le plus célèbre en est la séquence de Citizen Kane évoquant la progressive dégradation des rapports du couple Kane. Introduite par un flash-back en fondu enchaîné sur le récit d’un vieil ami, la séquence est construite sur une succession de petits-déjeuners dont le ton passe progressivement de l’expression de l’amour à l’acrimonie, avant que s’installe l’indifférence définitive entre Kane et son épouse.

La construction de la séquence repose sur la répétition et la symétrie : travelling avant sur le couple, alternance de champs-contrechamps, panoramiques filés entre les saynètes puis travelling arrière de la caméra marquant la fin du couple et de la séquence enchâssée. Le désamour progressif est également signifié par l’allongement de la distance entre les deux époux et l’encombrement graduel de la table. Cette rhétorique très démonstrative de la mise en scène met en évidence le caractère progressif et inéluctable de la désunion du couple.

L’utilisation du flash-back dans cette séquence ne relève pas d’un saut en arrière bousculant l’ordre du récit mais de la visualisation des pensées présentes du narrateur.