Définitions

Le panoramique désigne le mouvement de rotation de la caméra sur son axe dans le sens horizontal ou vertical.
Le travelling est un déplacement de la caméra montée sur un appareil mobile assurant la fluidité du mouvement.
La trajectoire désigne un mouvement complexe combinant travelling et panoramique.
La caméra portée est soutenue par le cadreur, occasionnant un tremblement voire des sautes du cadre.
Le zoom simule un déplacement de caméra par le réglage de l’objectif

L’Analyse des mouvements de caméra

Les mouvements de caméra, au-delà de leurs modalités techniques, doivent être analysés en fonction de leurs capacités expressives. Les principales fonctions sémantiques des mouvements de caméra sont :
– la fonction descriptive : exposition de l’espace de l’action.
– la fonction sélective : mise en relief d’un élément inscrit dans le champ par rapprochement de la caméra.
– la fonction de révélation : mise en évidence d’un élément à fort enjeu dramatique, hors-champ ou caché dans le champ.
– la fonction affective : mouvements subjectifs qui suggèrent les sentiments d’un personnage (amour, surprise, peur, désir de possession) en mettant en relief un élément significatif à ses yeux.

Les mouvements subordonnés suivent la trajectoire d’un objet ou d’un personnage (mouvements d’accompagnement) pour les maintenir dans le champ : ils caractérisent une narration transparente. Les mouvements autonomes de la caméra constituent toujours, de manière plus ou moins sensible, des manifestations de l’instance narrative au sein du récit. Enfin les mouvements subjectifs sont articulés sur le point de vue d’un personnage, ce qui leur confère souvent une fonction affective.
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Source : L’Analyse de séquences, José Moure, CNED, cours de licence cinéma audiovisuel de Paris I Sorbonne.


1. Le panoramique / La Chevauchée fantastique de John Ford (1939)

La diligence, filmée en plan général, se déplace paisiblement dans le grandiose paysage de la Monument Valley avant qu’un panoramique rapide fasse entrer dans le champ un groupe d’indiens menaçants. Le plan est construit en deux temps :

1er temps : le lent déplacement de la diligence est filmé en panoramique d’accompagnement très léger, au rythme allègre des cordes. Ce mouvement subordonné permet de recadrer la diligence afin de la conserver au centre de la composition et participe à la fonction descriptive du plan général.

2ème temps : le panoramique accélère violemment, dans un mouvement autonome, au son tonitruant des cuivres, pour dénoncer la présence des indiens. Il assume une fonction de révélation de la menace hors-champ. Le narrateur manifeste brusquement sa présence dans ce geste de monstration à caractère dramatique.


2. Le travelling / Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick (1959)

Pendant la guerre 14-18, le colonel Dax parcourt la tranchée avant l’assaut contre l’armée allemande.

Plan 1 : un travelling avant, lent et régulier, montre les soldats filmés en plan moyen dans la tranchée. Ce travelling a une valeur descriptive et immersive : le parcours de la caméra rend le spectateur témoin de l’attente des soldats, qui s’écartent sur son passage et regardent la caméra animée d’un mouvement apparemment autonome.

Plan 2 : le contrechamp* en travelling arrière d’accompagnement sur le colonel Dax marchant d’un pas déterminé, permet d’interpréter le plan précédent comme subjectif **, subordonné à l’avancée du personnage.

La régularité des travellings avant et arrière, alternant au sein d’un parcours inexorable, assume une fonction rythmique au sein de cette séquence réglée sur la mécanique du compte à rebours précédant l’assaut.
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* un plan en contrechamp adopte le point de vue opposé au plan précédent, dans le cadre d’une alternance champ/contrechamp, (cf module montage).
* * un plan subjectif adopte le point de vue d’un personnage.

3. La trajectoire / Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979)

La séquence introductive d’Alien présente le vaisseau Nostromo sur le mode d’une exploration : la trajectoire de la caméra parcourt les coursives labyrinthiques du vaisseau désert, suscitant une inquiétude diffuse. Outre leur valeur descriptive, ces mouvements complexes assument une fonction métaphorique : les lents déplacements autonomes de la caméra annoncent la circulation furtive de l’Alien, prédateur fantomatique, au cours du récit.



4. La caméra portée / Bloody Sunday de Paul Greengrass (2002)

Le film Bloody Sunday évoque la répression sanglante d’une manifestation pour l’égalité des droits en Irlande du Nord, le 30 juin 1972, par l’armée britannique. Dans la séquence proposée, Ivan Cooper, l’organisateur de la manifestation, cherche à porter secours à un manifestant, sous les balles anglaises.

Cette séquence est filmée en caméra portée comme l’ensemble du film, et met en évidence la fonction d’immersion caractéristique de ce mode de filmage. La caméra subjective correspond au point de vue partiel d’un témoin impliqué dans une action très animée. Les mouvements du corps du cadreur, soubresauts et secousses, sont inscrits dans la représentation et contribuent à impliquer le spectateur dans cette scène éprouvante. Les mouvements de caméra sont en grande partie subordonnés aux déplacements d’Ivan Cooper dont la tentative de sauvetage est au centre de l’action, mais manifestent aussi l’autonomie relative d’un narrateur « embarqué » qui se tient aux côtés du personnage principal.

Popularisée par le reportage, la caméra portée s’inscrit dans un traitement documentaire de l’action. Associé au montage haché et à la bande sonore réaliste, son emploi contribue au fort effet de réalité de la séquence.



5. Le zoom / Barry Lindon de Stanley Kubrick (1976)

Le film Barry Lyndon évoque l’ascension sociale du personnage éponyme dans la haute société du XVIIIème siècle. La séquence proposée raconte la découverte de son infidélité par sa famille.

Plan 1 : un travelling d’accompagnement en plan moyen montre la famille de Barry se promenant paisiblement dans la campagne anglaise ensoleillée.

Plan 2 : un travelling en plan subjectif cadre le jardin dans un plan d’ensemble qui laisse entrevoir une pergola en arrière-plan, masquée sous les frondaisons. Un zoom avant y révèle la présence de Barry en train d’enlacer la nourrice du petit dernier, sagement couché dans son landau.

Le zoom répond à trois fonctions dans cette séquence :
– une fonction sélective : le rapprochement optique permet de mettre en évidence le couple en opérant une restriction du champ.
– une fonction de révélation : cette restriction du champ dévoile un élément caché à fort caractère dramatique : l’infidélité de Barry.
– une fonction affective : la vitesse du mouvement optique à caractère subjectif, exprime le saisissement de Lady Lyndon et de son fils face à cette découverte.