1. Son in, son off, son hors-champ / Alien de Ridley Scott (1979)
Cette séquence d’Alien montre l’agression du personnage de Brett par la créature alors qu’il parcourt l’entrepôt du vaisseau spatial à la recherche de son chat.
L’analyse de la construction sonore de la séquence permet de distinguer :
– le son ambiant : bruits continus des gouttes d’eau sur le sol et son cristallin de l’entrechoquement des chaînes suspendues au plafond. Ces bruits ambiants, réverbérés par l’espace labyrinthique de la salle des machines, constituent une matière sonore angoissante qui contribue à susciter un sentiment d’inquiétante étrangeté
– le son in : appels de Brett suivis de ses cris au moment de l’agression et sifflements du monstre quand les protagonistes sont présents à l’écran
– le son off : bruits instrumentaux et musique dramatique soulignant l’apparition menaçante du monstre
– son hors-champ : hurlement de Brett et cliquetis des chaines dans le gros plan final sur les yeux du chat. L’utilisation du son hors-champ dans ce dernier plan est particulièrement suggestive : image et son concourent à dramatiser l’élimination de Brett sous les yeux du chat, témoin impassible et dérisoire de l’enlèvement du personnage.
2. Voix off / Les Affranchis de Martin Scorsese (1990)
Dans ce plan-séquence des Affranchis, Henry Hill présente en voix off les membres de sa « famille » mafieuse dans le cadre d’un récit rétrospectif. Les paroles du narrateur sont illustrées à l’écran par l’apparition des personnages évoqués.
L’originalité de ce plan séquence réside dans la manière dont les déplacements de la caméra incarnent le point de vue d’un habitué du bar : fluidité du parcours et salutations familières en regard caméra des protagonistes évoqués. Voix off rétrospective et trajectoire de la caméra se complètent sur le mode d’une double narration permettant d’inscrire le spectateur dans l’intimité du repaire mafieux.
3. Point d’écoute spatial / Les Combattants de Thomas Cailley (2014)
Le point d’écoute définit le lieu d’ancrage du son au sein de la fiction. Ainsi le point d’écoute spatial correspond le plus souvent à l’emplacement de la caméra, mais il peut en être disjoint (paroles distinctement audibles d’une conversation lointaine)
Dans cette séquence des Combattants, le jeune Arnaud tente d’inviter l’altière Madeleine à une sortie amicale, avec un succès mitigé. La mise en scène de ce long plan fixe repose sur la dissociation entre le point de vue lointain sur le bateau, au sein d’un plan général sur le paysage maritime, et la proximité du point d’écoute avec les personnages, dont le dialogue est parfaitement audible. Ce contraste met en évidence de manière ironique les piteux efforts de rapprochement d’Arnaud soulignés par la réponse désinvolte de Madeleine et par la solitude du personnage dans l’immense paysage bercé par le clapotis indifférent des vaguelettes.
4. Son subjectif / Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg (1998)
Le point d’écoute subjectif correspond à la perception interne d’un personnage visible à l’écran (voix de la conscience, hallucination, focalisation de l’attention auditive sur un bruit).
Cette séquence du film Il faut sauver le soldat Ryan reconstitue le débarquement en Normandie en articulant le passage des sons in et hors-champs, ponctués par le bruit des balles et des explosions, à un son subjectif associé au Capitaine Miller, choqué par l’explosion d’une bombe. Le traumatisme auditif est exprimé par l’assourdissement du bruit des combats et un effet de souffle continu en fond sonore. Cette altération de la perception est par ailleurs confortée au point de vue visuel par l’utilisation d’un léger ralenti jusqu’au retour brutal au son in. Le traitement sonore en son subjectif a donc pour effet de suspendre temporairement le traitement spectaculaire de l’action pour en exprimer l’impact émotionnel sur le personnage principal.