L’Homme qui tua Liberty Valance | Fiche pédagogique interactive

Fiche technique

Réalisation : John Ford
Scénario : James Warner Bellah et Willis Goldbeck
Musique originale : Cyril J. Mockridge
Photographie : William H. Clothier
États-Unis – 1962 – 2h03

Interprétation
John Wayne : Tom Doniphon
James Stewart : Ransom Stoddard
Lee Marvin : Liberty Valance
Vera Miles : Hallie Stoddard

Synopsis
Le célèbre sénateur Ransom Stoddard débarque incognito à Shinbone pour assister à l’enterrement d’un mystérieux inconnu : Tom Doniphon. Pressé par les journalistes locaux, le sénateur revient avec émotion sur les événements qui firent sa carrière des années auparavant, lorsqu’il essaya de débarrasser la ville d’un dangereux bandit : Liberty Valance.

PRÉPARER LA PROJECTION

Le western : un genre épique

Le western met en scène l’histoire des Etats-Unis à l’époque des pionniers, correspondant à l’expansion de son territoire entre la Guerre de Sécession et l’unification de la Nation (1860-1890). Le genre conjugue deux aspects fondamentaux :
l’évocation historique d’une période fondatrice des États-Unis, témoignant d’une volonté de restitution fidèle.
le récit épique de l’expansion d’une nation à la conquête d’un nouveau territoire, à la fois hostile et majestueux.
Le western constitue à cet égard le mythe fondateur de l’Amérique, décliné dans des personnages (le cowboy, l’indien, le bandit), des décors (le saloon, la prairie, le ranch) et des péripéties (l’attaque de la diligence, le duel final, la bagarre au saloon) caractéristiques du genre. Variable d’un film à l’autre, cette double dimension parcourt l’histoire du western classique, du début du XXème siècle à son extinction dans les années 70.

La Fabrique des héros

L’Homme qui tua Liberty Valance propose une réflexion mélancolique sur la légende de l’Ouest et la constitution de la démocratie américaine à travers le parcours des deux personnages principaux du film :
– Tom Doniphon, représentatif du cow boy classique défini par sa droiture, son assurance virile et sa maîtrise des armes.
– John Stoddard, un jeune avocat venu de Boston, engagé dans le respect du droit et l’éducation de la population.
Les deux vidéos proposées mettent en perspective la question de l’héroïsme dans le film de Ford, incarnée par ces deux personnages contrastés mais unis dans la volonté d’installer l’ordre dans la ville de Shinbone.

Propostion d’activité
Le critique Jean-Baptiste-Thoret définit le héros fordien par l’articulation entre la défense de ses intérêts personnels et le dévouement à la communauté. A l’issue de la vision du film, proposer une analyse de chacun des deux personnages principaux à partir de cette définition.

Pistes d’observation

Un western crépusculaire
L’Homme qui tua Liberty Valance s’inscrit dans la période tardive du western classique, marquée par une réflexion mélancolique sur le genre. Relever les éléments du récit qui en témoignent.

Analyse des personnages
Le récit est structuré par la relations de trois personnages classiques du western : le cowboy, le bandit, le défenseur de la loi. Analyser leur fonction dramatique, les aspirations qui les définissent et les éléments symboliques qui leurs sont associés. Quels sont les fonctions des personnages secondaires : le shérif, le journaliste et la serveuse ?

La question démocratique
Le film porte un discours sur l’émergence de la démocratie américaine dans l’Ouest sauvage. Relever les séquences qui évoquent explicitement ce thème majeur du récit.

ANALYSE DU FILM

Un western crépusculaire

L’Homme qui tua Liberty Valance est un western « crépusculaire », dans la mesure où il porte un regard critique sur la mythologie du Far West. C’est aussi un film testamentaire dans lequel John Ford cite de manière mélancolique plusieurs de ses oeuvres antérieures et notamment La Chevauchée fantastique. Avant-dernier western du maître incontesté du genre, L’Homme qui tua Liberty Valance est dès lors conçu comme un « film d’idées », un « western à concept ». Le récit est ainsi fondé sur l’emboîtement de flashbacks qui, en contradiction avec la narration linéaire du western classique, ont pour fonction de mettre en question la légende héroïque au profit d’une méditation sur l’avènement de la démocratie américaine.
  Érudit : le western crépusculaire

Questions
Interpréter les motifs de la diligence, du fouet et du code pénal dans cette séquence. En quoi introduit–elle le propos du film ?

Le Bon, la brute et l’avocat

Scellé dès le début du film, l’affrontement entre la loi du talion (incarnée par Valance) et la loi de la civilisation (figurée par Stoddard) ne peut s’accomplir positivement sans l’intervention d’un personnage tiers. Tel sera le rôle de Tom Doniphon, dont la fonction capitale d’intercesseur se met en place dans la fameuse scène du « steak renversé ». Cette triade de personnage organise tout le discours du film sur la difficile instauration de la démocratie dans le monde sauvage de l’Ouest. Tom Doniphon y représente l’archétype du héros fordien, caractérisé par son individualisme et sa maîtrise des armes mais aussi par son sens de la justice et son aspiration à construire un foyer. Un personnage emblématique du western classique confronté à un dilemme : en prenant la défense du modèle démocratique, il contribue à la disparition du « wild west » auquel il appartient.

Questions
Comment la mise en scène met-elle en évidence la commune appartenance de Doniphon et Valance à l’Ouest traditionnel par opposition à Stoddard ?

De la démocratie en Amérique

La mission de Stoddard, l’homme de l’Est, consiste à faire en sorte que la population de Shinbone se constitue en force éduquée et civique, pour contrer la loi de l’Ouest et ses dérives représentées par Liberty Valance. Les premières pierres sont posées durant la scène de la salle de classe, et un premier rempart démocratique se constitue pendant la séquence des élections, où l’avocat et le cowboy oeuvrent de concert, chacun avec ses compétences personnelles : la poigne et l’autorité naturelle pour Doniphon, la parole et la connaissance des textes pour Stoddard. A travers ces deux séquences, le récit assume un certain didactisme, en montrant la progressive émancipation de la population de Shinbone par la constitution d’une communauté politique construite sur l’éducation et l’adhésion aux principes démocratiques.

Questions
Comment la population de Shinbone se constitue-t-elle en communauté politique sous l’impulsion de Stoddard et Doniphon dans la séquence proposée ?

Print the Legend

Le film de John Ford trouve son aboutissement dans la séquence de la révélation de Doniphon au cours du flash-back dévoilant la vérité du meurtre. Cette confession illustre le discours du film sur la contradiction inhérente à la démocratie : elle repose sur le respect du droit en opposition au libre exercice de la violence mais sa force d’adhésion collective se fonde aussi sur la construction d’une légende héroïque. S’il faut « imprimer la légende », c’est qu’une société démocratique a besoin d’une glorieuse mémoire partagée, quelle que soit la vérité factuelle.
Dans la dernière séquence du film, le sénateur Stoddard est confronté à cet amer paradoxe : sa reconnaissance par le contrôleur est fondée son duel mythique avec Valance bien plus que sur une carrière législative vouée à la pacification de la nation.

Questions
Analyser la scène de flash-back : construction dramatique, lumière, composition de l’image et gestuelle. En quoi, annonce-t-elle la disparition du personnage de Doniphon au profit de Stoddard ?

La scène du duel final

De tous les motifs popularisés par le western, le duel final est sans aucun doute celui qui reste le plus étroitement associé au genre. Dans sa configuration traditionnelle, la situation est connue de tous : deux hommes armés se font face, immobiles, séparés par la largeur d’une rue ou d’une place. Le temps se suspend et la concentration des adversaires devient palpable. L’enjeu est simple mais de taille : il s’agit de dégainer le premier et de viser juste. Car l’heure de vérité a sonné et c’est dans cet ultime affrontement que l’intrigue trouvera son issue, tant
sur le plan dramatique que moral. Moment « d’apothéose canonique », le gunfight constitue néanmoins un terrain d’expression et d’expérimentation particulièrement fertile, qui autorise de multiples variations de style comme de registre.

Questions
Relever les motifs communs et les variations significatives dans les trois séquences de duel proposées.

Ressources complémentaires

  CNC : livret enseignant rédigé par Francisco Ferreira
 Café des Images : Formation Lycéens au cinéma par Youri Deschamps
 Cine70s : conférence de Jean-Baptiste Thoret
 Transmettre le cinéma : analyses de séquences par Franciso Ferreira
 Forum des images : Conférence de Caroles Desbarats consacrée à la représentation de la démocration en Amérique de Fort à Eastwood.
  Mise au point : les westerns de John Ford, article de Jean-Pierre Esquenazi
  Ciné-club de Caen : article sur L’Homme qui tua Liberty Valance

Texte : Youri Deschamps | Coordination éditoriale : Renaud Prigent | Publication : Café des Images / Normandie Images