Pastiche stylistique
1. Ouverture et fermeture à l’iris
Apparue dès le cinéma muet, cette figure de style caractérisée par l’ouverture ou la fermeture d’un cercle entouré de noir est une ponctuation forte entre séquences. L’ouverture à l’iris est ainsi associée dans l’extrait proposé au réveil du petit matin, réactivant la métaphore figée qui associe cette technique au début ou à la fin du jour. La fermeture à l’iris est restée longtemps employée pour signaler la clôture du récit, usage vieillot réutilisé à la fin du film par Hazanavicius.
2. Volet
Mode de transition entre deux plans dans lequel une ligne horizontale ou verticale, traverse le champ en « effaçant » la première image et découvrant la suivante au fil de son avancée. Dans l’extrait proposé, l’effet de transition est redoublé de manière ludique par le fait que le volet accompagne la sortie de champ d’Hubert, dans un effet de soulignement de ce procédé esthétique.
3. Plan d’exposition conventionnel
Le plan d’exposition présente le lieu de l’action. Le film d’espionnage, multiplant les déplacements du héros, y recourt de manière systématique et très conventionnelle. Hazanavicius pastiche ce procédé en recourant à tous les clichés associés à la ville de Paris : tour Eiffel, musique d’accordéon et image image sépia composée comme une carte postale. Cet usage est révélateur de la manière dont le film d’espionnage utilise les pays visités : ils servent de décors exotiques à l’action reconduisant des poncifs culturels permettant un repérage immédiat du spectateur.
4. Plan d’atterrissage
Les plans documentaires d’atterrissage ou de décollage constituent un autre topos du film d’espionnage, dans lequel toutes les transitions narratives sont marquées de manière conventionnelle. Hazanavicius utilise ici des images d’archives d’un avion et d’une tour de contrôle : il introduit dans son pastiche un léger décalage ironique en insérant un couinement de pneumatiques lorsque l’avion touche le sol.
5. Effets spéciaux
Les effets spéciaux des années 50 relevaient de techniques de studios : maquettes, décors peints, etc. Hazanivicius reprend ces techniques traditionnelles : le petit avion est suspendu par des fils, et les acteurs filmés en studio se penchent pour faire ressentir l’inclination de l’appareil. Là encore, le pastiche introduit un décalage ludique avec par la reprise distanciée de techniques anciennes dans un film contemporain.
6. La transparence
Les comédiens sont filmés en studio devant un écran translucide sur lequel sont projetées des images tournées préalablement qui s’inscrivent en arrière-plan. Ce procédé typique des années 50-60 était très utilisé pour les scènes de voitures. L’artificialité du procédé est soulignée par le décalage entre les mouvements du volant et la projection du décor à l’arrière-plan.
7. Silhouette en ombre portée
L’ombre portée qui annonce l’arrivée du personnage dans un endroit désert, est un procédé de dramatisation typique du film d’espionnage. Dans l’extrait proposé, la musique, la posture et le costume du personnage évoquent la série des James Bond et l’univers de la bande dessinée Blake et Mortimer.
8. Nuit américaine
Technique permettant de tourner en plein jour des scènes d’extérieur censées se dérouler la nuit en ajoutant des filtres bleus devant l’objectif. L’effet est volontairement accentué dans le film d’Hazanavicius, qui reprend ici un topos des films évoquant le Maghreb : le caractère labyrinthique de la Casbah.
9. Contrechamp impossible
Un personnage adossé à un mur dans un premier plan est ensuite filmé de dos en contrechamp, ce qui suppose une caméra inscrite dans le mur, dans une incohérence spatiale assumée. La scène est tournée en studio et le mur est escamotable pour laisser place à la caméra, aux projecteurs et à l’équipe technique.Hazanavicius reprend cette technique très utilisée dans les films américains des années 50 et désormais obsolète.
Citations d’Hitchcock
1. Le Poignard dans le dos | La Mort aux trousses (1959)
Le publiciste Roger Tornhill se retrouve par erreur dans la peau d’un espion dénommé Kaplan. Poursuivi par une mystérieuse organisation et la police, il fuit à travers les Etats-Unis à la recherche de la vérité. Dans la séquence proposé, Roger Thornhill rencontre M. Townsend aux Nations-Unies, afin d’éclaircir le complot dont il est victime.
Tout comme l’agent britannique tombe poignardé dans les bras d’Hubert, l’homme qui pourrait disculper Thornhill s’écroule assassiné devant les siens. Dans les deux cas, le coupable s’enfuit. Mais si Hubert se lance à sa poursuite, Thornill est pris pour le meurtrier. Même lieux de pouvoir, même situation de l’attente d’une révélation, même effet de surprise permettant de relancer l’intrigue.
2. Le Souk labyrinthique | L’Homme qui en savait trop (1956)
En vacances au Maroc avec sa femme et son fils, le Dr McKenna fait la connaissance de Louis Bernard qui sera assassiné sous leurs yeux le lendemain de leur rencontre. Quelques jours plus tard, leur fils a été enlevé. Ils vont devoir mener leur enquête. Dans l’extrait, Louis Bernard, membre des services secrets français, sait qu’un attentat se prépare : grimé et déguisé avec une djellaba, il tente d’échapper aux membres du complot dans les ruelles du souk de Marrakech.
Hazanavicius joue ici sur différents registres en inversant les situations. Cette fois, c’est l’assassin en djellaba qui est poursuivi par Hubert. Ce dernier prend soin à chaque croisement de bien regarder à gauche et à droite avec une posture rappelant le Sean Connery de James Bond.
3. Feu d’artifice | La Main au collet (1955)
John Robie, cambrioleur assagi, goûte une retraite dorée sur la côte d’Azur, lorsqu’un voleur, utilisant ses méthodes, le désigne comme le principal suspect. À la fin du film John Robie embrasse la belle Frances jeune femme milliardaire qu’il souhaitait voler et qui l’a aidé à se disculper.
Hitchcock est connu pour ses contournements de la censure. Le code Hays, en vigueur dans les studios américains de l’époque, interdisait les baisers trop longs et, bien entendu, les allusions sexuelles. Hitchcock prenait donc un malin plaisir a couper les baisers intenses de ses personnages par des plans suggestifs, comme ce feu d’artifice orgasmique. Détournant le motif du feu d’artifice, Hazanavicius en fait l’objet de l’intérêt principal d’Hubert qui se détourne de sa maîtresse pour le contempler. Le réalisateur souligne ici de manière comique l’immaturité de son héros.