Fiche technique

Réalisation : Billy Wilder
Scénario : I.A.L Diamond et Billy Wilder
Musique : Adolph Deutsch
U.S.A – 1959 – 2h01

Interprétation
Sugar Kane Kowalczyk : Marilyn Monroe
Joe : Tony Curtis
Jerry : Jack Lemmon

Synopsis
Deux musiciens de jazz au chômage, mêlés involontairement à un règlement de comptes entre gangsters, se transforment en musiciennes pour leur échapper. Ils partent en Floride avec un orchestre féminin. Ils tombent illico amoureux d’une ravissante et blonde créature, Alouette, qui veut épouser un milliardaire.

PRÉPARER LA PROJECTION

Le travestissement au cinéma

Certains l’aiment chaud est la comédie emblématique du travestissement au cinéma. En changeant leur apparence, les travestis contestent ou subissent les normes sociales associées à leur nouvelle condition. De manière plus profonde, le travestissement des personnages modifie leur vision du monde par l’expérience d’une identité à la fois jouée et pleinement vécue.

Propositions d’activité
Relever dans la vidéo proposée les motivations du travestissement au cinéma et évaluer la crédibilité des travestissements présentés de la conformité totale à l’outrance provocatrice.

Ressource complémentaire
 Mubi : Hommes au féminin, une sélection de films

Le film de gangsters

Certains l’aiment chaud reprend les codes du film de gangsters en s’inspirant très directement du film Scarface, réalisé en 1932 par de Howard Hawks. Ce genre se développe dans les années 30 en s’appuyant sur la fascination du public pour les grandes figures de la Mafia américaine dans le contexte de la Prohibition. Il se définit notamment par :
– la trajectoire sanglante d’un chef de gang assoiffé de pouvoir
– des scènes de violence : fusillades, bagarres et poursuites en voitures
– un éclairage contrasté à forte valeur expressive
Le film de gangsters s’efface au début des années 40 au profit du film noir, qui privilégie la figure du détective blasé, engagé malgré lui dans une intrigue à caractère tragique.

Ressources complémentaires
  Wikipedia : le film de gangsters
  DVD Classik : Scarface

Pistes d’observation

Le film de gangsters
Relevez les références au film de gangsters dans Certains l’aiment chaud : personnages, accessoires et situations.

Le travestissement
Le film met en scène le travestissement de deux musiciens fuyant la mafia :
– relever les séquences dans lesquelles les deux personnages sont victimes de leur travestissement en femmes
– relever les séquences qui témoignent, à l’inverse, de l’impact du déguisement sur leur regard à l’égard des femmes

Les effets comiques
Relever les effets comiques reposant respectivement sur :
– le mélange des registres (l’association de la mafia aux pompes funèbres par exemple).
– l’utilisation ludique d’accessoires (costumes, objets, etc.)
– des répliques à double sens.

ANALYSE DU FILM

Travestir le film de gangster

Le film de Wilder emprunte les motifs propres au film de gangsters pour les investir dans une comédie fondée sur le travestissement. Le réalisateur reprend ainsi de manière ironique la logique du faux-semblant qui gouverne les activités clandestines des gangsters pendant la Prohibition, en recourant à diverses couvertures :
– la voiture funéraire sert au trafic d’alcool
– la veillée mortuaire cache une fête clandestine
– le garage de Charlie Cure-Dent abrite son repaire
– le festival d’opéra italien masque un congrès mafieux
– la fête d’anniversaire de Staps prépare son exécution
Ces paravents jouent avec finesse sur les contrastes et affinités entre apparence et réalité : la veillée mortuaire contraste avec la fête clandestine mais renvoie aux tueries organisées par la mafia, « famille proche » dont la table est réservée au sein du tripot.

La politique du mâle

Certains l’aiment chaud propose une vision satirique du machisme ordinaire en dressant le portrait moqueur d’une galerie de personnages réduisant les femmes à un objet de plaisir :
– Joe, le séducteur manipulateur abonné aux conquêtes d’un soir
– les milliardaires de Floride, attendant en ligne l’arrivée de chair fraîche
– l’arrogant groom de l’hôtel, poursuivant Joe de ses invitations pressantes et déplacées
Le travestissement des musiciens est vécu comme l’expérience douloureuse de la condition féminine : chaussures inconfortables, claques sur les fesses et frustration sexuelle dans un train d’abord envisagée comme une « pâtisserie ». Ces mésaventures en forme de traversée du miroir constituent ainsi la première étape d’une prise de conscience formulée abruptement par Joe : « (…) tu as une jupe : c’est comme un chiffon rouge pour un taureau ! ».

Ressources complémentaires
  DVD Classik : la satire du machisme

Trouble dans le genre

L’intimité avec l’univers féminin de l’orchestre amène les deux célibataires endurcis à surmonter leurs préjugés au contact de filles délurées manifestant leur goût de la fête, de l’indiscipline et des blagues salaces. Le personnage de Sugar relève ainsi du trompe-l’œil : la bimbo écervelée cache une jeune femme blessée trouvant dans l’alcool une source de consolation. Cette traversée des apparences suscite un double itinéraire initiatique :
– au contact de Sugar, Joe abandonne son attitude manipulatrice de « saxo ténor » au profit de l’amour sincère (le collier de diamants, le baiser public et l’aveu final).
– Jerry adhère progressivement à son identité féminine jusqu’à remettre en cause son hétérosexualité : « Je suis un homme ! » se répète-t-il pour combattre l’idée du mariage avec Osgood.
Le travestissement fonctionne donc comme un révélateur pour des personnages enfermés dans leur univers masculin en leur permettant de libérer leur personnalité au sein d’un parcours à la fois comique et subversif.

Le jeu des références

Le film de Wilder recourt de manière ludique à de multiples références à d’autres films sur différents modes :
– l’allusion : reprise implicite d’un élément caractéristique d’autres oeuvres.
– le pastiche : imitation revendiquée du style propre à une oeuvre ou un genre.
– la parodie : imitation sous la forme d’une déformation volontaire à visée comique.

L’art du dialogue

Certains l’aiment chaud emprunte à la comédie screwball des années 30 le thème de la formation conflictuelle du couple, le recours au burlesque et la vivacité des répliques. L’efficacité comique du film repose en effet en grande partie sur l’inventivité de dialogues caractérisés par :
– la contradiction souvent loufoque entre des points de vue antagonistes.
– le recours au double sens renvoyant au registre de l’identité cachée, de la sexualité ou du paravent mafieux.
– le rythme soutenu des échanges comiques.

Ressources complémentaires
 Conférence Francisco Ferreira : le double sens chez Wilder

Ressources complémentaires

  CNC : livret enseignant
 Upopi : les procédés comiques dans Certains l’aiment chaud
 LAC Pays de la Loire : conférence de Francisco Ferreira
  DVD Classik : analyse du film
 Forum des images : les jeux du travestissement
  Télérama : les travestis au cinéma
  Ciné-club de Caen : filmographie commentée de Billy Wilder

Texte et réalisation : Renaud Prigent
Les analyses de séquences s’appuient sur la conférence prononcée à Caen par Francisco Ferreira en décembre 2016