Take Shelter (Jeff Nichols, 2012)

L’intrigue de Take Shelter repose sur les visions d’apocalypse de Curtis La Forche, suscitant l’incompréhension de ses proches. Le récit se clôt sur la séquence proposée, dont la mise en scène recourt à divers usages du hors-champ.

Exercices
1. Identifier les modes du hors-champ (empreinte, adresse ou mixte) dans les plans numérotés.
2. Proposer une analyse des fonctions du hors-champ dans la séquence.





Exercice 1 : Identifier les modes du hors-champ (empreinte, adresse ou mixte) dans les plans numérotés.

Plans 1 et 2 : deux adresses
Ces premiers plans introduisent la menace indéterminée provenant du hors-champ sur le mode de l’adresse :
1. La fille sourde de Curtis regarde avec insistance en direction du hors-champ, ce qui indique la présence d’un phénomène anormal. Elle informe son père du danger en mimant un petit tourbillon qui désigne de manière métaphorique le cyclone situé dans le hors-champ.
2. Alerté par sa fille, Curtis se retourne puis se relève lentement en prenant sa fille dans ses bras tout en fixant l’horizon. La musique et le geste de protection du père dramatisent fortement le hors-champ, convoqué quatre fois sur le mode de l’adresse, comme espace d’une menace indéfinie.

Plan 3 : un plan mixte
Samantha sort de la maison dans un état de stupeur motivé par la menace hors-champ :
– mode de l’adresse : son regard vers le hors-champ et sa lente marche en avant.
– mode de l’empreinte : le reflet du cyclone dans la baie vitrée. La distinction entre les deux modes de hors-champ est ici particulièrement pertinente : l’empreinte du cyclone surles vitres suggère l’effet de submersion psychologique de Samantha qui prend conscience de la catastrophe. La dimension psychologique et l’effet d’attente angoissée sont ici privilégiés au dévoilement direct du cyclone.

Plan 4 : l’empreinte de la tempête
L’arrivée de Samantha est suivie d’un échange de regard en champ-contrechamp avec Curtis, ponctué par des hochements de tête symétriques. Cet échange muet confirme la prise de conscience de la réalité des visions apocalyptiques de Curtis, considérées auparavant comme hallucinatoires par Samantha. Une goutte de pluie marron s’écrase sur la main de Samantha : cet élément vient donner consistance de manière tactile à l’imminence de la catastrophe, sur le mode de l’empreinte.

Un plan pictural
Le cyclone est finalement montré dans un plan très fortement composé : Samantha au premier plan contemple l’apocalypse à venir. Le jeu sur la bichromie (gris et brun), sur les ondulations similaires des nuages et de la chevelure et sur l’équilibre des masses relèvent d’une esthétique picturale qui confère à ce plan, par sa grande unité plastique, une solennité de fin du monde. Cette composition de l’image exclut le recours au hors-champ : la tension est désormais interne au plan, inscrite dans la profondeur du champ, et non plus suscitée par la pression du hors-champ sur le champ.

Exercice 2. Proposer une analyse des fonctions du hors-champ dans la séquence.

Le champ retrouvé de la famille La Force
Le film se clôt sur la famille réunie pour affronter le cyclone, marquant ainsi l’un des enjeux principaux du film : la résolution de la crise familiale face au comportement irrationnel de Curtis. A l’échelle de la séquence, on peut analyser l’usage du hors-champ comme un moyen de dramatiser l’imminence de l’apocalypse mais aussi d’impliquer le spectateur dans la recomposition de la famillle.