Fiche technique

Titre : Incendies
Canada – 2010 – 2h03
Réalisation : Denis Villeneuve
Scénario : Denis Villeneuve d’après l’œuvre de Wajdi Mouawad
Image : André Turpin
Musique : Grégoire Hetzel

Interprétation
Rémi Girard : le notaire Lebel
Lubna Azabal : Nawal
Mélissa Désormeaux-Poulin : Jeanne Marwan
Maxim Gaudette : Simon Marwan

Synopsis
À la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon Marwan se voient remettre deux enveloppes : l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l‘autre à un frère dont ils ignoraient l’existence.
Jeanne voit dans cet énigmatique legs la clé du silence de sa mère, enfermée dans un mutisme inexpliqué les dernières semaines précédant sa mort. Elle décide immédiatement de partir au Moyen Orient exhumer le passé de cette famille dont elle ne sait presque rien…
Simon, lui, n’a que faire des caprices posthumes de cette mère qui s’est toujours montrée distante. Mais son amour pour sa sœur jumelle le poussera bientôt à rejoindre Jeanne et à sillonner avec elle le pays de leurs ancêtres sur la piste d’une mère bien loin de celle qu’ils ont connue.

PRÉPARATION DE LA SÉANCE

Présentation du film

Incendies est une adaptation libre de la pièce de théâtre éponyme de Wajdi Mouawad, artiste libano-québécois, qui dirige actuellement le Théâtre national de la Colline à Paris. Denis Villeneuve, le réalisateur, aime travailler une matière pré-existante, il a ainsi adapté le livre Dune de Franck Herbert et réalisé une suite du film Blade Runner : Blade Runner 2049.
Lorsque Villeneuve s’attaque à l’adaptation d’Incendies , son projet est de “repartir aux origines de la pièce en oubliant le texte, et de la réécrire dans un langage cinématographique ». Le film a pour vocation d’évoquer « toutes les guerres », selon la volonté du réalisateur, en faisant référence à la guerre civile libanaise et à l’occupation par Israël du Sud du Liban. Le récit est en effet construit comme une tragédie moderne s’appuyant sur des motifs du théâtre grec (Oedipe et Antigone) pour construire un apologue sur la circularité de la violence à travers l’odyssée douloureuse de la famille Marwan.

Incendies et la guerre du Liban

L’histoire du Liban joue un rôle central dans Incendies sans que le pays soit, par souci d’universalité, explicitement désigné. Le contexte de la guerre civile qui déchire le pays de 1975 à 1990 reste cependant très identifiable ainsi que les références à des lieux et personnages historiques, malgré les dénominations fictives adoptées par le dramaturge et le réalisateur. La vidéo proposée expose de manière synthétique le contexte politique du Liban des années 70-80 afin d’éclairer l’ancrage historique du film.

Ressource complémentaire
Les clés du Moyen-Orient : la guerre civile libanaise

Pistes d’observation

La méthaphore mathématique
Incendies fait référence aux mathématiques à plusieurs reprises de manière symbolique. Relever les occurrences et interpréter la fonction de cette référence dans le récit.

Entre fiction et histoire
Le film s’inspire de la guere civile libanaise entre 1975 et 1990. Relever les allusions à l’histoire du Liban et analyser la manière dont elles sont masquées au sein du récit.

Une tragédie moderne
Incendies s’inscrt dans le registre de la tragédie et présente de nombreuse référence à l’histoire d’Oedipe. Relever les références à la tragédie grecque dans le film.

ANALYSE DU FILM

Une violence circulaire

Le film de Denis Villeneuve met en scène la mécanique circulaire de la violence opposant les nationalistes et les milices chrétiennes au sein d’une conflit inspiré par la guerre civile libanaise. L’organisation narrative du film, fondée sur l’enquête de Jeanne sur le passé de sa mère joue sur les parallèles entre leurs double itinéraire et la répétition de scènes et de motifs symboliques pour souligner le déroulement implacable du « fil de la violence ». Les mentions du tatouage de Nihad, le dédoublement de la scène de la piscine, les violences répétées subies par Nawal et les références à l’équation mathématique fonctionnent comme autant de signes du destin funeste s’acharnant sur les personnages. À travers la famille Marwan et la figure double de Nihad/Abou Tarek à la fois fils et bourreau, Villeneuve construit ainsi un apologue sur la répétition tragique de la violence à valeur universelle.

Questions
Relever les éléments formels qui sollicitent l’émotion du spectateur ? Quels sont les traits communs avec un clip ?

Une fiction documentée

Incendies pose la question du lien entre les personnages, entre les époques, et entre les images. L’articulation de la fiction et du réel constitue en effet un enjeu majeur du film qui construit un monde fictionnel à partir de références à la guerre civile libanaise et à l’occupation du Sud du Liban par Israël. L’itinéraire de Nawal est ainsi directement inspiré de la vie de la militante communiste Souha Béchara, détenue et torturée pendant dix ans dans la prison clandestine de Kiam (Kfar Riat dans le film). Le schéma dramatique de l’enquête, fonctionnant par le recoupement d’indices, s’attache ainsi à révoquer la réalité historique par le truchement de la fiction.

Questions
Comment le conflit libanais est-il évoqué dans cette séquence ? Quels sont les fonctions des photos présentées ?

Ressources complémentaires
Les Cahiers de L’Orient : Incendies, tragédie et temps présent
Wikipedia : Souha Bechara

Une tragédie moderne

Incendies est construit sur de nombreuses références à de grandes figures tragiques. Ainsi, le personnage de Nihad/Abou Tarek évoque-t-il Œdipe, le héros de Sophocle, qui a eu une relation incestueuse avec sa mère. Le courage et l’intransigeance du personnage de Nawal, fidèle à son amour de jeunesse contre la loi du clan, permettent de l’associer à une Antigone moderne. La construction même du récit répond à une mécanique implacable, un enchainement d’évènements qui convoque les mathématiques pour établir une équation impossible : 1+1=1, révélant l’identité contre nature du père et du frère des jumeaux. La logique du film répond ainsi à la célèbre définition de Vladimir Jankelevitch : « Il y a tragédie chaque fois que l’impossible au nécessaire se joint. »

Question
Relever les références à la tragédie grecque, et plus particulièrement à Oedipe Roi, dans cette séquence.

Ressource complémentaire
Hérodote : Le mythe d’Oedipe

La représentation de la violence

Incendies pose la question de la représentation de la violence au cinéma. Sa frontalité tout d’abord, par exemple lorsque le film met en scène des meurtres d’enfants dans une rue de Daresh ou la petite fille du bus. Ces meurtres d’une balle dans la tête ne sont pas dissimulés hors-champ mais montrés au centre du cadre. Le film interroge aussi le geste d’esthétisation de la violence, comme dans la scène-clip d’ouverture ou dans le plan final de la scène du bus, avec Nawal au premier plan, les cheveux volant dans le sens de la fumée qui consume le bus et ses occupants à l’arrière-plan. Cette image marquante, à la composition parfaite et aux qualités esthétiques indéniables sert aussi d’affiche. Selon les interprétations et les sensibilités, elle peut susciter un choc émotionnel conduisant à une prise de conscience de l’horreur, ou être considérée comme une mise en scène spectaculaire et esthétisante de l’horreur, la réduisant, précisément, à une image.

Ressources complémentaires

  CNC : livret enseignant
  Zéro de conduite : dossier pédagogique
  LAAC Auvergne-Rhône-Alpes : analyse du film
  Revue Hors Champ : genèse du film
  Ciné-club de Caen : bio-filmographie de Denis Villeneuve

Texte : Mélanie Boissonneau | Coordination éditoriale : Renaud Prigent | Publication : Café des Images / Normandie Images