Histoire du cinéma

Cours d’initiation à l’histoire du cinéma

Ce cours d’initiation aborde l’histoire du cinéma du point de vue des grands courants artistiques qui ont réuni des réalisateurs dans un mouvement créatif commun au cours du XXème siècle. Ces périodes d’intense production constituent autant de repères commodes au sein de l’histoire du cinéma, permettant une mise en perspective pédagogique de la variété des mouvements et des formes au cours du siècle. L’Expressionnisme allemand, la Nouvelle Vague ou le Néoréalisme italien expriment ainsi, dans des contextes différents, la volonté de rompre avec les formes convenues pour proposer une nouvelle vision du cinéma, voire du monde.

Chaque module de ce cours évoquant les six grands écoles esthétiques qui ont marqué l’histoire du cinéma propose :
– une courte vidéo consacrée aux principaux aspects thématiques et formels du courant considéré.
– l’analyse d’une séquence d’un film emblématique.
– un quiz portant sur les principales notions évoquées.

L’EXPRESSIONNISME ALLEMAND (1919-1926)

L’Expressionnisme a été le plus grand mouvement artistique en Allemagne dans le premier tiers du vingtième siècle. Il se manifeste aussi bien dans les arts plastiques que dans la littérature ou le théâtre. Du milieu des années 1910 jusqu’à la fin de la période muette, il conquiert les écrans de manière significative. Le cinéma devient presque naturellement le terrain de prédilection de l’Expressionnisme, dans la mesure où les images en mouvement lui permettent un développement plus complet et plus direct de son goût pour les récits fantastiques, aux allures de cauchemars éveillés. Même si le nombre de films purement expressionnistes est finalement assez limité, le courant aura exercé une influence considérable sur une grande partie du cinéma mondial, aussi bien en France qu’aux États-Unis, et même en Union Soviétique.

Le Cabinet du Docteur Caligari (Robert Wiene, 1919)

Considéré aujourd’hui comme le film-manifeste de l’Expressionnisme Allemand, Le Cabinet du Docteur Caligari rassemble les créateurs les plus influents du mouvement : Erich Pommer à la production, Robert Wiene à la réalisation, Carl Mayer et Hans Janowitz au scénario, les deux peintres Walter Reimann et Walter Röhrig à la conception des décors sous la direction artistique de Hermann Warm, auxquels s’ajoutent Werner Krauss et Conrad Veidt dans les rôles principaux. Tous occuperont une place de premier plan dans les années suivantes et figureront au générique des titres le plus emblématiques du courant.
À tous points de vue, Le Cabinet du Docteur Caligari est une œuvre fondatrice, dont les choix formels radicaux et l’atmosphère anxiogène vont alimenter la majeure partie de la production allemande jusqu’à la fin de la période muette.

L’AVANT-GARDE RUSSE (1919-1930)

Après la Révolution de 1917, le cinéma Russe est pratiquement inexistant : l’essentiel de la production a cessé pendant la guerre civile. Malgré tout, cet art encore jeune retient tout particulièrement l’intérêt du pouvoir. Lénine y voit un formidable outil de propagande et le Parti va rapidement tout mettre en œuvre pour stimuler la créativité de futurs grands cinéastes comme Eisenstein, Poudovkine, Vertov et Dovjenko. Ils sont encouragés à constituer une avant-garde esthétique au service de la promotion de la révolution communiste.
Pour la majorité des jeunes réalisateurs de l’époque, le cinéma tire sa spécificité des possibilités offertes par le montage, sur lequel ils vont orienter la plupart de leurs recherches, à la différence des Américains qui misent surtout sur l’efficacité du récit. Les films de l’Avant-garde Russe vont au contraire expérimenter les combinaisons d’images les plus variées dans le but de développer une dramaturgie dédiée à la propagation des idées nouvelles.

Le Cuirassé Potemkine (S. M. Eisenstein, 1925)

Pour célébrer le vingtième anniversaire de la révolution manquée de 1905, le Comité central exécutif d’Union Soviétique commande à Eisenstein une ample fresque commémorative. Eisenstein considère qu’un événement isolé pourrait avoir beaucoup plus de force et d’impact qu’une vaste reconstitution historique. Il décide donc de limiter le récit à l’évocation de la mutinerie de l’équipage du Cuirassé Potemkine et du massacre de la population d’Odessa en 1905. Le réalisateur s’empare de cette épisode historique pour le reconstruire et le magnifier par l’inventivité et le dynamisme du montage.

LE RÉALISME POÉTIQUE (1930-1946)

Des années 1930 jusqu’à la Libération, le Réalisme Poétique a fourni le meilleur de la production française. Des réalisateurs comme Marcel Carné ou Julien Duvivier seront les principaux maîtres d’œuvre de ce courant novateur, qui sort le cinéma des ornières du simple « théâtre filmé » des débuts du parlant. Le succès ne se fait pas attendre et propulse un grand nombre d’acteurs et d’actrices au rang de véritables stars. C’est l’époque où Jean Gabin, Arletty, Louis Jouvet ou encore Michèle Morgan connaissent une ferveur populaire sans précédent.
Pourtant, l’heure n’est ni à la fête ni à la légèreté. Le Réalisme Poétique s’épanouit dans la grisaille des faubourgs et raconte le plus souvent des histoires de destins brisés, où des anti-héros issus des classes laborieuses courent à leur perte en essayant d’échapper à leur condition sociale. Cet âge d’or du cinéma français regroupe une importante série de films qui font tous état d’un climat de pessimisme généralisé, reflétant les désillusions du Front Populaire ainsi que les incertitudes de l’entre-deux-guerres.

Le Jour se lève (Marcel Carné, 1939)

Chef-d’œuvre de Marcel Carné, Le Jour se lève offre la quintessence du Réalisme Poétique français. Le film est entièrement tourné en studio, dans des décors gigantesques conçus par Alexandre Trauner et magnifiés par la lumière somptueuse de Curt Courant, d’une sophistication quasi picturale. Les dialogues de Jacques Prévert sont servis par un quatuor d’acteurs au sommet de leur talent (Jean Gabin, Arletty, Jules Berry et Jacqueline Laurent), tandis que le scénario de Jacques Viot présente une audace narrative notable : il est essentiellement fondé sur la succession de trois flashs-back, à une époque où ce procédé n’avait été utilisé que de manière très ponctuelle.

LE CLASSICISME HOLLYWODIEN (1927-1960)

De la toute fin de la période muette jusqu’à la fin des années 1950, le classicisme hollywoodien impose une norme narrative autant qu’un mode de production spécifique. Si bien que la créativité souvent anarchique des ténors du burlesque aura beaucoup de mal à perdurer face à la déferlante du cinéma parlant, dont les contraintes techniques impliquent une plus grande rationalisation des tournages. Les grands studios s’industrialisent et s’appuient sur un renforcement des différents genres, qui acclimatent sans difficulté majeure les grandes règles de composition dramatique à tous les types d’histoires possibles. Les grands studios généralisent également le star system, lequel assure la promotion et la popularité du cinéma américain un peu partout dans le monde.
Hollywood devient alors « l’usine à rêves », selon l’expression désormais consacrée, en s’inspirant du modèle d’organisation logistique de l’industrie automobile, basé sur la standardisation et la division des tâches. Avec une ambition supplémentaire tout de même, et non des moindres : produire en masse des fictions faciles à répertorier mais qui constituent en même temps un prototype unique à chaque fois.

Assurance sur la mort (Billy Wilder, 1944)

Assurance sur la mort est aujourd’hui considéré comme l’une des pièces maîtresses du film noir, dont Wilder maîtrise parfaitement les codes narratifs et formels : l’intrigue à caractère tragique est fondée sur le déploiement d’une machination contre un homme ordinaire manipulé par une femme fatale au sein d’une narration rétrospective recourant à la voix off et au flash-back. La subtilité de la mise en scène et des dialogues manifestent brillamment la patte singulière du réalisateur dans son appropriation des contraintes du genre.

LE NÉORÉALISME ITALIEN (1943-1955)

L’Italie sort complètement laminée de la Seconde Guerre mondiale. Tout est à reconstruire, tant sur le plan matériel qu’au niveau politique et économique. Le cinéma lui aussi est à réinventer. Comme les célèbres studios romains de Cinecittà ont été en partie détruits, plusieurs réalisateurs visionnaires vont alors investir les rues de leur pays en ruine pour jeter les bases d’un nouveau type de cinéma, baptisé « néoréaliste » dès 1945. Le quatuor majeur du mouvement réunit Roberto Rossellini, Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Giuseppe De Santis. Tous tournent des films dans l’urgence avec peu de moyens, qui traitent des vrais problèmes de leur époque : les cicatrices des événements récents, la faim, le chômage qui accable la classe ouvrière ou encore le désespoir engendré par la pauvreté et l’oppression.

Rome, ville ouverte (Roberto Rossellini, 1945)

Bien que sa longue carrière ne se réduise pas à l’appartenance à un seul courant, Roberto Rossellini reste toutefois étroitement associé à l’éclosion du Néoréalisme. Rome, ville ouverte est le premier film qu’il tourne après la Seconde Guerre mondiale, dans des conditions souvent précaires où la pellicule est rationnée et le matériel réduit au strict minimum nécessaire. Sans encore le savoir, le cinéaste apporte ici la première pierre à un édifice cinématographique qui va faire l’effet d’une véritable révolution esthétique, dont l’impact va se diffuser dans le monde entier.

LA NOUVELLE VAGUE (1959-1965)

À la fin des années 1950, un vent de renouveau secoue profondément le cinéma français. La jeune génération prend le pouvoir en imposant de nouveaux cinéastes, de nouveaux acteurs et de nouveaux techniciens. Cette nouvelle génération est principalement composée de critiques influents issus de la revue Les Cahiers du cinéma qui passent derrière la caméra : Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol ou Éric Rohmer. Ces jeunes réalisateurs partagent un programme de rupture avec le cinéma de La Qualité française, dominant à l’époque, qui produit des films de studios jugés conformistes et déconnectés des réalités du présent. Ces réalisateurs qui développent des œuvres très personnelles sont réunis une démarche commune : filmer en décors réels des récits en prise avec l’époque, remplacer les dialogues littéraires par un langage réaliste et privilégier l’invention formelle à en refusant les conventions cinématographiques.
Même si le succès de la Nouvelle Vague n’a duré que quelques années, de 1959 à 1965, le mouvement aura une influence durable sur le cinéma français et participera à l’éclosion d’autres nouvelles vagues, notamment en Europe de l’Est et en Amérique Latine.

À bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1959)

La sortie d’À bout de souffle constitue une révolution technique et artistique au début des années 60, par sa liberté de ton et la manière délibérée dont il contredit avec insolence toutes les convention de la narration classique. Portrait d’un jeune voyou impulsif et libertaire, le film convoque le film noir, improvise des scènes intimistes, multiplie les innovations narratives et formelles pour bousculer les habitudes du spectateur. Le formidable succès public de cette œuvre emblématique de la Nouvelle Vague, contribue fortement à favoriser l’émergence du mouvement.

BIBLIOGRAPHIE

L’Art du film, une introduction de David Bordwell, Ed. De Boeck, 2009.
Dictionnaire du cinéma mondial : mouvements, écoles, tendances, courants et genres de Alain et Odette Virmaux, Editions du Rocher, 1994.
Genres et mouvements au cinéma de Vincent Pinel, Larousse, 2017.
Les grandes écoles esthétiques, Cinemaction n° 55, Ed.Corlet, 1990.
Histoire du cinéma des origines aux années 2000 de René Prédal, Cinémaction n° 142, Ed.Corlet, 2012.

Texte : Youri Deschamps | Montage vidéo : Florent Zelmire | Voix off : Charlotte Le Panse | Coordination éditoriale : Renaud Prigent